Taekwondo : Rémy Alazoula, loup solitaire
Le renversement de François Bozizé, président de la République Centrafricaine, par la Seleka, alliance de milices, en 2013, n’a rien d’un « détail de l’Histoire » pour le peuple centrafricain. Pour Rémy Alazoula, Centrafricain de naissance arrivé en France à l’âge de 22 ans, il est temps que cela cesse. « 80 % de ma famille se trouve à Bangui, raconte le champion de taekwondo. Mon frère, ma mère, mes nièces… je suis heureux qu’ils soient encore en bonne santé aujourd’hui. Mais cette guerre est surtout le fruit d’une manipulation des médias locaux qui ont parlé de tuerie entre musulmans et chrétiens alors que de tels événements n’étaient pas encore arrivés. On nous a fait croire que cette guerre était religieuse alors qu’elle est avant tout politique. Il faut mettre un terme à tout ça. » Un conflit qui a grandement ralenti les aides financières promises par le gouvernement centrafricain à ses athlètes. La bourse de solidarité olympique si importante pour permettre à Rémy Alazoula de parcourir le monde en quête de points indispensables en vue des prochains championnats du monde se fait attendre. « Avec tous les problèmes que connaît mon pays, le sport va passer au 3e voire 4e plan. » Car malgré son titre de champion d’Afrique obtenu en 2010 à la surprise générale, l’athlète de 32 ans ne bénéficie pas d’aides supplémentaires dû à son statut. Il est dépendant des aides financières de partenaires privés ou publics pour se permettre de payer ses frais de voyage mirobolants afin de se rendre sur les terres de combat. Comme ce fut le cas en 2012, pour les championnats d’Afrique, où Rémy Alazoula devait défendre son titre. « La compétition se déroulait à Madagascar et c’était très onéreux pour y aller. Malheureusement, je n’ai pas pu défendre mon titre et cela m’a fait très mal. » Lui, le fils d’un ancien ministre de l’Intérieur et maire de Bangui, aujourd’hui disparu, doit se contenter du RSA ou de petits boulots de manutentionnaire ou de vigile pour financer ses voyages.
« Les JO 2016 ? Le combat de toute ma vie »
Pourtant star en son pays, « je suis le Pascal Gentil de Centrafrique », Rémy Alazoula cherche les ressources nécessaires au financement de ses voyages. Présent en février dernier lors d’un open international en Égypte, il est dans l’obligation de participer à un maximum d’open de taekwondo pour pouvoir espérer participer à son dernier rêve : les Jeux olympiques de Rio en 2016. « Je me laisse encore deux ans de compétition avant d’arrêter le sport de haut niveau. Finir ma carrière en participant aux JO au Brésil serait une fin en apothéose pour moi, c’est le combat de toute une vie. Si j’échoue, je ne vais pas courir après quelque chose qui ne m’était pas destiné. » Celui qui était prédestiné à faire du judo, a préféré les « cris du taekwondo de la salle d’à côté au silence du judo ». Médaillé de bronze aux championnats d’Afrique à l’âge de 17 ans, il rejoint ses trois sœurs et son frère à Metz à l’âge de 22 ans avant d’intégrer le Hando Arts Martiaux de Metz pour y atteindre la ceinture noire 3e Dan, plus haute distinction de ce sport. Plusieurs fois vainqueur des open d’Alsace-Lorraine, Rémy Alazoula a participé à deux championnats du Monde (2011 et 2013) où il s’est arrêté au stade des huitièmes de finale, il a également participé au Grand Prix de Manchester en décembre 2013 où il a fait l’exploit de battre le champion du monde sud-coréen en titre avant de chuter de justesse face au champion olympique 2008 en 1/8e. « J’ai un vrai problème avec les 8e de finale (rires). Il faut que je passe ce stade ! J’espère pouvoir le faire lors des prochains Mondiaux qui se dérouleront en 2015 en Russie. » Privé des Jeux 2012 pour un misérable point, le Centrafricain ne rêve que d’une chose : Rio. En espérant que, d’ici là, les partenaires auront répondu à son appel.
Photos : DR - Article publié le 16 avril 2014