Voyage au centre de la terre
« Vous verrez. La spéléologie est une activité où l’engagement physique est comparable aux sports de montagne. » Lorsque Denis Jacquemot, membre de l’un des deux clubs messins de spéléologie, m’informe de la difficulté à venir, il était déjà trop tard… Au même titre que ma collègue, j’avais déjà enfilé la combinaison du spéléologue, le baudrier muni des longes et mousquetons obligatoires, le casque vissé sur la tête et surtout cette terrible question que tout le monde s’est, un jour ou l’autre, posé : mais qu’est-ce que je fous là ? Nous le verrons par la suite, nous n’étions pas au bout de nos surprises. Un mois auparavant, je répondais par l’affirmative à l’invitation de deux spéléologues mosellans chevronnés – Denis Jacquemot et Didier Thon – à venir faire une séance d’initiation à la discipline. Comme rien ne vaut l’expérience, « qui nous apprend la réalité des choses et qui élève notre esprit à la connaissance* », je trouvais l’idée intéressante. Mais là, devant l’entrée de la grotte d’Audun-le-Tiche, je me disais que finalement l’expérience n’était pas si importante que ça… Dès le départ, j’ai très rapidement compris ce que Denis Jacquemot entendait par « engagement physique ». La grotte diaclase** impose de savoir se bien se contorsionner. Ramper pour atteindre la première cavité est déjà fort éprouvant, à la fois physiquement et mentalement. Claustrophobes s’abstenir. « Nous organisons souvent des sorties découvertes pour les groupes. Parfois, il nous est arrivé de ne parcourir que 5 mètres tant certaines personnes éprouvaient une sensation d’enfermement et de fait, se trouvaient dans l’impossibilité de continuer, voire de bouger », indique Didier Thon, membre du club d’Ottange qui pratique depuis une trentaine d’années. Celui qui est aujourd’hui initiateur en spéléo, a aménagé la grotte d’Audun-le-Tiche que nous allons explorer. « J’y ai installé des cordes sur lesquelles nous pouvons accrocher les longes pour les passages qui nécessitent d’être en sécurité. »
Esprit d’équipe et respect du cadre naturel
Peu à peu, nous continuons notre progression. Pour tromper notre (mon ?) anxiété, Denis Jacquemot, 40 ans d’expérience au compteur, fait la conversation. « La spéléologie, on n’en parle que lors des accidents. » Je confirme. « Pourtant, ce n’est pas ça. La spéléologie est avant tout une discipline pluridisciplinaire qui mêle habilement le physique et l’intellectuel. Le monde sous-terrain est une mine d’or pour les passionnés de géologie et d’archéologie. » Une activité unique qui véhicule également, « un véritable esprit d’équipe. Lorsque l’on entreprend une sortie, la solidarité doit jouer à plein car en cas de problème, c’est tout le groupe qui est concerné. La spéléo, c’est aussi et surtout le respect du cadre naturel », renchérit Didier Thon.
Une première grosse difficulté se présente : une descente qualifiée de « curieuse » par Denis. C’est là que je ressens toute l’importance des aménagements mis en place par Didier. Accrocher les mousquetons aux cordes, ça rassure ! Second passage « curieux ». Une montée cette fois-ci. Paradoxal dans la mesure où le but est de descendre à – 5 mètres sous terre. « Il y a plusieurs passages possibles. Puis il faut bien s’essayer à toutes les situations, non ? », affirme Denis. L’engagement physique dont on nous parlait au départ, est bel et bien présent. Pour attraper l’échelle souple qui se balance sur la roche et se hisser en haut de la prochaine cavité, il faut faire preuve de technique et… d’engagement ! « À l’image de l’escalade, nous faisons travailler tous les membres. Il faut chercher de bons points d’appuis avec les bras et les jambes. » Après cinq bonnes minutes, je finis par me hisser au prix d’efforts intenses. Le souffle est court et je transpire pas mal. Un peu comme au milieu d’un semi-marathon, les sensations en plus.
Jusqu’à 1 000 m sous terre
« Nous connaissons cette grotte par cœur. C’est une bonne approche pour tous ceux qui veulent découvrir la spéléo. » Un passage « facile » à en croire mes interlocuteurs du jour. « Nous ne sommes qu’à – 5 mètres sous-terre lorsque l’on a atteint le fond. D’autres départements comme la Meuse et le Jura offrent des perspectives plus intéressantes pour ceux qui souhaitent persévérer. À un niveau au-dessus, il faut aller dans le Sud pour se faire plaisir et se dépasser. » Citons pêle-mêle : la traversée de la Pierre Saint-Martin dans les Pyrénées ou le gouffre du Berger dans le Vercors, « qui nécessite 15 à 20 heures de traversée à une profondeur de 1 000 m sous terre. » Pour notre part, nous sommes sur le chemin du retour. Après quelques difficultés et quelques frayeurs, nous sortons à l’air libre, heureux d’avoir accompli ces 600 mètres sous terre en… deux heures ! Une expérience unique.
*Jean-Charles-Emmanuel Nodier est un écrivain français du 19e siècle. On lui attribue une grande importance dans la naissance du romantisme.
**Le terme de diaclase, du grec διά [dia] (par) et klasis (fracture, rupture) est utilisé pour désigner l’épisode au cours duquel une roche se fend sans que les parties disjointes s’éloignent l’une de l’autre (ne pas confondre avec la faille).
Photos : DR - Article publié le 11 mai 2016