Supporters / Hooligans : Peur dans les stades ?
Brice Taton, Yann L., Julien Quemener… Ces noms ne vous disent peut-être rien. Mais ces jeunes supporters ont perdu la vie en allant tout simplement voir un match de football. Les compétitions sportives débordent d’incidents en tout genre, bat des records en termes d’interpellations, les personnalités du ballon rond s’inquiètent, les familles désertent les tribunes… Le monde du sport a basculé dans une ère de peur, de violence et de rivalité telles que les exemples de débordements inondent les quotidiens sportifs. Drame du Heysel il y a 25 ans lors de Liverpool – Juventus Turin où 39 personnes perdront la vie, décès d’un supporter toulousain lors d’un déplacement à Belgrade en 2009, mort d’un supporter parisien tabassé avant un PSG-OM en 2010, agression de Bertrand François, l’entraîneur du Metz-Handball, par un supporter de Podgorica en Coupe d’Europe, banderole anti ch’tis lors de Lens-PSG… Les supporters auraient-ils changé ? « La mentalité du supporter n’est pas la même selon le sport, précise Jean Moiron, sociologue. Pourriez-vous citer deux exemples de débordements dans les tribunes de rugby qui ont connu une issue tragique ? La vérité est que chaque supporter est éduqué différemment selon le sport. » « Les valeurs du handball sont les mêmes partout quel que soit le pays, ajoute Jean-Marc Champreux, président du Supporter Club SNCF du Metz-Handball. En revanche, les intérêts financiers plus ou moins importants, peuvent changer la donne. Les incidents essuyés par Metz-Handball, en 2009, sont là pour le rappeler. »
Stade ou arène ?
Violence devenue ordinaire, débordements banalisés dans la presse… On ne compte plus les « fights » entre supporters de camps adverses, nouvelle tendance du moment, et on ne s’émeut plus du nombre parfois impressionnant de CRS aux abords des stades. « La violence est un fléau difficile à combattre. Le nombre souvent aberrant de policiers autour des stades est vu par une tranche de supporters comme une provocation. Du coup, les débordements se multiplient, constate Gabriel D., supporter interdit de stade pendant six mois. Les hooligans prennent de plus en plus de plaisir à l’affrontement. Parfois même plus qu’à aller voir le match en lui-même. C’est un dialogue de sourd entre supporters et forces de l’ordre. Et quand, à la violence, s’ajoute la haine raciale, vous n’entrez non plus dans un stade mais dans une arène. » Racisme, un mal profond qui gangrène de plus en plus le sport. Preuve en est : l’interruption d’un match aux Pays-Bas à la suite d’insultes antisémites lancées contre l’arbitre, les groupuscules fascistes connus pour arpenter les tribunes de la Lazio de Rome, ou les cris de singes et lancements de peau de bananes à l’encontre de l’Italien d’origine ghanéenne Mario Balotelli en Italie, ou de Pascal Chimbonda lors de son épopée bastiaise, agressé par des supporters de sa propre équipe ! La Terre ne tourne plus rond. En février 2015, les supporteurs de Zamalek, club de première division égyptienne ont tenté d’entrer en force dans le stade. Des voitures de police auraient été incendiées. Des témoins décrivent les méthodes musclées des policiers et les scènes de panique pour échapper à l’usage massif de gaz lacrymogène. Ce premier match de la phase retour du championnat égyptien devait se dérouler en public. Une première depuis les événements de Port-Saïd de février 2012 : 74 personnes avaient perdu la vie dans des affrontements entre supporters. Depuis, les rencontres se déroulaient à huis-clos. En Angleterre, une hotline a été créée par le club de Chelsea pour dénoncer les supporters qui entonnent des chants racistes dans les tribunes. Elle n’est visiblement pas suffisante : lors du match aller des huitièmes de finale de la Ligue des Champions entre le Paris Saint-Germain et Chelsea en 2015, une personne a été jetée du métro par des supporters de Chelsea en raison de sa couleur. Vive le sport.
Photos : DR - Article publié le 15 août 2015