Patrick Battiston, défense première classe
Forcément à l’évocation du nom de Patrick Battiston, d’aucuns ne peuvent oublier la terrible agression du défenseur français ce soir de France – Allemagne à Séville, lors des demi-finales de la Coupe du Monde 1982. Cette fameuse action de la deuxième mi-temps où Battiston est violemment percuté par le portier germanique Harald Schumacher en dehors de la surface de réparation. Il est évacué du terrain, inanimé, sur une civière. Ce choc violent, qui lui fait perdre trois dents et lui endommage une vertèbre – et qui ne sera pas sanctionné du moindre carton par l’arbitre néerlandais – restera comme l’une des images marquantes de l’histoire de l’équipe de France en Coupe du Monde. « Quand les gens me reconnaissent dans la rue, ils commencent à me raconter la vie qu’ils avaient en 1982, ce qui s’est passé pour eux le jour du match, ce qu’ils faisaient, avec qui ils étaient, comment ils s’étaient organisés, ce qu’ils avaient ressenti, raconte Patrick Battiston. À mon avis, si l’équipe de France avait gagné, on aurait davantage occulté ce qui m’est arrivé, et l’histoire de ce petit Français qui s’est fait « sécher » par Schumacher. » Une histoire franco-allemande qui dépassait le cadre même du sport. « Peu après le match, j’ai reçu des lettres de « Malgré-nous »*, ou bien de Français qui avaient été obligés d’aller travailler en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Que des journalistes ou des spectateurs fassent des rapprochements entre un match de football et de tels conflits, je trouvais ça démesuré. Ça me dépassait complètement, je ne comprenais pas comment une rencontre de foot pouvait générer des propos aussi durs, aussi graves. » Mais réduire le passage de Patrick Battiston en équipe de France à ce drame sévillan serait une grossière erreur. Car Patrick Battiston, c’était avant tout la classe et l’élégance en défense, 56 sélections et un titre de champion d’Europe des Nations en 1984 en France, trois Coupes du Monde pour une 4e et une 3e place (1982 et 1986) et une belle carrière hexagonale. Mais cette grande histoire a débuté en Moselle. Et ça, peu de gens le savent…
Champion avec trois clubs différents
C’est à l’AS Talange que Patrick Battiston débute le football en 1966. Le défenseur mosellan y fait ses gammes avant l’intérêt grandissant du FC Metz qui le recrute en 1973. Battiston a alors 16 ans. « J’avais 16 ans et je jouais en D3 avec la réserve messine, l’équivalent du CFA aujourd’hui. J’étais très jeune, ce niveau était très physique et engagé, mais je me rassurais, je m’appuyais sur des joueurs de 23-25 ans qui constituaient l’ossature de l’équipe. J’y ai joué deux ans avant de faire mes vrais débuts chez les pros. » Avant lui, son oncle, Raymond, dit « Keko », avait déjà porté le maillot grenat à la fin des années 40 et au début des années 50. L’ascension de Patrick Battiston est fulgurante : il joue son premier match professionnel avec Metz à Lyon à l’âge de 17 ans. Solide, précis et élégant balle au pied, celui que l’on surnomme « Battiste » est appelé pour la première fois en équipe nationale en février 1977, au Parc des Princes, pour un match contre… l’Allemagne. L’histoire prenait forme. Un an plus tard, à 21 ans, Patrick Battiston participe à la première de ses trois Coupes du Monde, en Argentine. Sous les ordres de Georges Huart, Marc Rastoll puis Henryk Kasperczak au FC Metz, le Messin se forge une belle réputation au point d’attiser la curiosité des grands clubs français. Le président Carlo Molinari reste fier de son « coup » Battiston. « J’ai toujours regretté avoir laissé échapper Michel Platini qui a été mis à l’essai au club. Mais je me suis un peu rattrapé avec Patrick Battiston entre autres. » Avant de quitter le club grenat pour l’AS Saint-Étienne en juin 1980, le défenseur offre le maintien à son équipe avec un doublé lors de la 37e journée, contre le Paris Saint-Germain de Luis Fernandez. Des adieux de classe.
« Jamais envisagé d’entraîner des pros »
Champion de France 1981 avec les Verts, c’est sous les couleurs des Girondins de Bordeaux que le Talangeois va gonfler considérablement son palmarès : trois titres de champion et une coupe de France. Avec Monaco, il glanera au passage un nouveau titre de champion en 1988 et devient l’un des trois joueurs à avoir remporté le championnat de France avec trois clubs différents. Un dernier retour à Bordeaux et Patrick Battiston stoppe sa carrière à 34 ans, en 1991. Après avoir été directeur sportif de 1991 à 1995 et directeur du marketing des Girondins de Bordeaux la saison suivante, Patrick Battiston devient directeur sportif des jeunes de 1996 à 1998. Il devient directeur du centre de formation la saison suivante, poste qu’il occupe depuis 2003. « J’étais encore joueur aux Girondins quand j’ai passé mes diplômes. La suite s’est faite naturellement lorsque les dirigeants m’ont demandé d’intégrer le staff du centre de formation, puis l’équipe de CFA, puis la gestion de l’ensemble de la structure, avec un œil sur tout ce qui s’y passe, sur tous les matchs, sur le recrutement… J’ai la chance d’être bien entouré et encadré. Ce parcours s’est fait naturellement. » Sans regret d’être devenu entraîneur des pros ? « Je n’ai jamais envisagé de franchir le pas vers les pros. Vous dire pourquoi… je ne sais pas ! Ce n’était pas dans mon tempérament. Peut-être est-ce une erreur ? En tout cas, aujourd’hui, il est trop tard pour l’envisager. »
* Les « Malgré-nous » étaient les Alsaciens et Mosellansincorporés de force dans l’armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale.
Photos : DR - Article publié le 10 juin 2016