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Michele Padovano : Itinéraire d’un destin gâché

Incarcéré pour 8 ans à la prison de Turin pour une sombre affaire d’association de malfaiteurs, Michele Padovano a manqué sa sortie. À l’image d’une carrière prometteuse qui lui a échappé, entre des passages mitigés entre Genoa, Naples ou la Reggina, un statut de remplaçant à la Juventus Turin qui lui a tout de même offert une Ligue des Champions, une Coupe Intercontinentale et un Scudetto. À l’image aussi, de son passage à Metz, marqué par une grave blessure dès son arrivée en Moselle. Retour sur un grand gâchis made in Italia.

« Mieux vaut vivre un jour comme un lion que cent ans comme un mouton ». Ce proverbe italien, Michele Padovano s’en est fait un dogme. Jamais considéré comme une pépite de la formation à l’italienne, le Transalpin s’est toujours vu plus royaliste que le roi. Et s’est donné les moyens pour le devenir. Quitte à franchir – bien trop souvent – les limites. Né à Turin dans une famille modeste, le jeune Michele apparaît pour la première fois aux yeux du football italien dans le petit club de Série C d’Asti, situé à une petite soixantaine de kilomètres de Turin, dans le Piémont. Attaquant au physique pas très impressionnant (1,77m pour 68 kg), Padovano signe en 1986 à Cosenza, club de Série C, qu’il rejoint dans la foulée et dans lequel il restera quatre ans, avec une montée en Série B à la clé en 1988. Un passage qui marquera à vie le Turinois. Et pour cause, le 18 novembre 1989, le milieu de terrain de Cosenza, Donato Bergamini, coéquipier et meilleur ami de Michele Padovano, décède tragiquement dans un accident de la route. L’affaire est classée comme un suicide, mais de nombreuses voix contradictoires soutiennent que le joueur a été assassiné. Dont le père de Donato Bergamini qui finit par soupçonner Padovano. En 2001, il déclarera : « Donato m’avait dit qu’il fumait des joints avec Padovano… Il m’a également dit que Padovano, à Cosenza, avait été arrêté par la police pour des questions de drogue et qu’il avait été libéré parce que le club était intervenu, et qu’il était également parvenu à ne pas faire fuiter l’affaire dans les journaux… Je suis convaincu que Padovano sait beaucoup de choses qui pourraient être liées à la mort de Donato, mais qu’il refuse de le dire, probablement par peur. » Marqué par cet événement tragique, Michele Padovano quitte le club calabrais pour Pise, en 1990, puis pour Naples (1991), Genoa (1992 et 1994), Reggina (1993) avant d’accepter – évidemment – la prestigieuse Juventus Turin, en juillet 1995. Le train ne repasse jamais deux fois.

« Padovano, c’était un grand joueur » (C. Molinari)

Surnommé « Harley Davidson » pour son goût prononcé pour les grosses cylindrées américaines – il en possédait deux – Michele Padovano arrive à Turin au milieu de pléthore de stars : Antonio Conte, Ciro Ferrara, Didier Deschamps, Alessandro Del Piero, Fabrizio Ravanelli ou encore Gianluca Vialli. Difficile de se faire une place pour celui que l’Italie considère comme un fêtard invétéré et un amateur de boîte de nuit et de la gent féminine. Pourtant, en deux saisons avec les Bianconeri, Michele Padovano remplit considérablement son placard à trophées : une Ligue des Champions – avec un but marqué en quart de finale face à Dortmund -, un titre de champion d’Italie, une Supercoupe de l’UEFA remportée face au PSG, deux Supercoupe d’Italie et une Coupe Intercontinentale. Après deux saisons et demi (42 matchs joués et 12 buts marqués) sous les ordres de Marcelo Lippi, une sélection, en 1997, avec la Squadra Azzura contre la Moldavie lors des éliminatoires de la Coupe du Monde 1998, le Turinois quitte son Piémont natal pour tenter l’aventure anglaise, à Crystal Palace. Un échec cuisant. « Le départ de Padovano est la meilleure nouvelle du mercato de Palace », se moquait l’ancien international anglais Gary Lineker sur la chaîne britannique BBC en 1999. Entre blessures et nuits londoniennes, l’attaquant, alors âgé de 32 ans, n’effectue que 10 matchs pour 1 but marqué. C’est alors que Carlo Molinari, président du FC Metz, pense à lui pour renforcer l’attaque du FC Metz, en berne depuis les départs de Robert Pirès et de Bruno Rodriguez. Motivé par le challenge grenat à la surprise générale, l’Italien n’a pas le temps de montrer quoi que ce soit. Le jour de son premier entraînement avec le club mosellan – qui coïncide avec la veille de la signature de son contrat ! – l’ancien Juventino se rompt le ligament antérieur du genou. Catastrophe en terres mosellanes. Nous sommes en 1999 et Carlo Molinari déclare alors : « Soit nous parvenons à nous entendre avec Crystal Palace, qui conserverait le joueur dans son effectif, soit les dirigeants anglais sont opposés à cette possibilité et nous respecterons alors notre engagement moral, tant vis-à-vis du joueur que du club. Nous pourrions alors salarier Padovano tout en ne le déclarant pas comme joueur. Ainsi nous ne nous bloquerions pas pour l’embauche d’un joker. » 16 ans plus tard, l’ancien président grenat revient sur cette affaire. « Michele Padovano, c’était un grand joueur, raconte Carlo Molinari. Je peux vous dire que l’image du FC Metz avec l’affaire Padovano en Italie est désormais excellente et j’en suis fier. Car faire signer et payer un joueur qui se fait une rupture des ligaments croisés lors du premier entraînement alors qu’il n’est pas encore sous contrat au club, ce n’est pas souvent que ça arrive. Cela nous a coûté de l’argent car c’était 20 millions de francs à l’époque pour le transfert de Crystal Palace à Metz. C’est le seul Italien à avoir porté le maillot messin. »

Cheikh en bois et case prison

9 matchs – et surtout deux ans – plus tard, Padovano quitte Metz pour Côme avant de raccrocher définitivement les crampons en 2001. Éphémère directeur sportif de la Reggina et de deux autres clubs italiens, il fait à nouveau parler de lui en 2006 lorsqu’il est cité dans une affaire de trafic de drogues et arrêté après une enquête menée par le procureur de Turin. D’autres joueurs comme Nicola Caricola et surtout Gianluca Vialli sont accusés (puis relaxés). En première instance, le parquet du tribunal de Turin requiert 24 ans de prison. En attente du verdict définitif, Michele Padovano continue sa (petite) vie en se liant avec des personnages farfelus. En 2009, pendant une courte période, les gros titres des quotidiens italiens révèlent la volonté du Cheikh Adnan Adel Aref Al Qaddoumi d’acquérir 50 % de l’AS Roma, avec comme conseiller sportif un certain Michele Padovano… Cheikh en bois puisque les recherches de la presse avaient abouti à un portrait peu reluisant du mystérieux Al Qaddoumi… pas plus Cheikh que vous et… résidant de Pérouse. En décembre 2011, le Tribunal turinois condamne Padovano à 8 ans et 8 mois de prison ferme pour association de malfaiteurs ainsi que trafic de drogue, coupable d’avoir participé à un vaste trafic européen de haschich. Le père de Mark Iuliano, ancien coéquipier de Padovano à la Juve, déclarera après la décision du tribunal : « Padovano est un cancer à éradiquer. Dieu lui avait donné la chance d’une nouvelle vie, mais il n’en a pas voulu. Notre famille, par sa faute, a été marqué à jamais », qui, selon Alfredo Iuliano, était coupable de fournir des médicaments à différents joueurs de la Juventus, dont son fils et Jonathan Bachini. Actuellement en prison, Padovano pourrait sortir en 2016 avec des remises de peine. Aujourd’hui, le lion n’est pas mort, mais il est en cage.

*« Meglio vivere un giorno da leone che cento anni da pecora »

Photos : DR - Article publié le 21 septembre 2015

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