Getter Laar – Polina Bratuhhina : Baltes de match
Le contexte
Quand nous avons averti la volleyeuse de Terville-Florange, Polina Bratuhhina Pitou, de notre idée de rencontre avec sa compatriote estonienne du FC Metz, Getter Laar, elle s’est immédiatement sentie emballée par l’idée. « Cela faisait longtemps que je voulais la rencontrer » nous a-t-elle répondu. Et lorsque les deux sportives se sont croisées pour la première fois, les discussions dans leur langue natale ont fusé. Pour le début d’une belle amitié, assurément.
L’intégration en France
Vous êtes toutes les deux arrivées jeunes en France, à 21 ans pour Polina et à 24 ans pour Getter. Comment s’est passée l’intégration dans notre pays ?
Polina Bratuhhina : Ce n’était pas simple du tout de mon côté car je ne parlais pas du tout le français et aucune de mes coéquipières ne parlaient anglais non plus. Il a fallu très vite apprendre votre langue et cela m’a pris quatre mois pour pouvoir comprendre et me faire comprendre. J’ai appris avec des livres et l’espagnol que j’ai enseigné à l’école m’a aidé à plus vite assimiler le français car il y a de nombreux mots communs aux deux langues.
Getter Laar : Ma première expérience française était à Guingamp en 2013 et c’était la même chose que Polina, je ne parlais pas un mot de français évidemment. En Bretagne, j’ai passé beaucoup de temps toute seule, j’étais isolée à cause du problème de langue. L’accueil n’a pas été très bon là-bas. J’avais des cours de français à l’En Avant mais les autres joueuses avaient un niveau avancé donc je ne comprenais rien (rires). Et du coup, je comprenais mais je n’osais pas parler car je n’étais pas à l’aise avec la langue française. Ici, à Metz, j’avais des cours trois fois par semaine et aujourd’hui, je me débrouille pas trop mal (sourire).
Polina Bratuhhina : Elle parle bien mieux que moi alors qu’elle est arrivée en 2013 et moi en 2008 (rires). J’ai appris toute seule et on voit la différence (sourire).
Getter Laar : Vous avez une langue difficile quand même !
Polina Bratuhhina : Getter a raison. C’est compliqué avec toutes les combinaisons de lettres que vous avez, vous vous compliquez trop la vie (rires).
Getter Laar : Des fois, on écrit un mot et on ne le dit pas de la même façon (soupir). C’est bizarre, il y a des lettres, pourquoi vous ne les dîtes pas ? (rires).
Ce fut évident de quitter votre pays natal si jeune ?
Polina Bratuhhina : La décision de partir est difficile à prendre mais quitter le pays n’a pas été compliqué car j’aime bien voyager, découvrir d’autres cultures et d’autres pays. Pour moi, c’était simple. Avant de signer au TFOC, la France n’était pas une destination que je privilégiais car j’avais un petit préjugé envers les Français (gênée). Je voyais les Français légèrement… (hésitante) hypocrites disons. A faire un sourire devant et critiquer surtout derrière. Mais finalement, je n’ai pas eu la confirmation de ce préjugé en arrivant en Moselle. Ici, les gens sont très accueillants et chaleureux. C’est important pour se sentir bien.
Getter Laar : Pareil que Polina. Je voulais partir de l’Estonie pour jouer en professionnel en Europe occidentale donc c’était un choix normal à faire. J’ai commencé par faire des essais en Angleterre, notamment à Lincoln, avant de signer à Guingamp en 2013. Pour jouer au haut niveau, il faut quitter l’Estonie, ce que j’ai fait sans trop de difficultés même si on est toujours hésitante au moment de prendre la décision finale.
Les différences de culture
Quelles sont les grandes différences entre les Français et les Estoniens ?
Polina Bratuhhina : Les bisous (rires). Enfin, la bise pardon. Votre façon de faire des bisous à des inconnus pour dire bonjour.
Getter Laar : Chez nous, en Estonie, si c’est une amie, tu l’a prends dans tes bras et lui fait un câlin, et si c’est un inconnu, tu dis juste « bonjour » ou tu lui sers la main. Cela a été un vrai choc de découvrir votre façon de vous saluer (sourire). On est beaucoup plus distant chez nous.
Polina Bratuhhina : Au début, cela m’a perturbé de devoir faire des bisous à 20 fans qui viennent te parler après un match. Et puis, les gens plus âgés en profitent pour te faire des bises un peu mouillées disons (rires).
Getter Laar : En Bretagne, parfois, on faisait parfois quatre bises ! Beaucoup trop ! Nous, dans un premier temps, on garde nos distances et on s’ouvre au fur et à mesure qu’on connaît la personne. Ici, en France, des fois, quand il y a des petits problèmes, les gens s’énervent vite et font vite d’un problème une véritable catastrophe. Il faut respirer avant de s’énerver (rires).
Polina Bratuhhina : Disons qu’on est plus calmes, plus réfléchis en Estonie. On analyse plus avant de s’énerver. La culture de l’Est sans doute. Nous sommes calmes…
Getter Laar : Patientes je dirais aussi.
Polina Bratuhhina : On ne montre pas trop les émotions.
Getter Laar : Cela explique peut-être aussi que les Estoniennes ne sont pas très performantes dans le sport de haut niveau, car on ne montre pas assez de caractère, on devrait être un peu plus méchantes. Je trouve les Lorrains assez joyeux dans l’ensemble, ouverts, contrairement en Bretagne où les gens étaient plus fermés. Les Français ont plus de tempérament que nous, c’est clair.
Polina Bratuhhina : J’adore les Français. J’en ai épousé un d’ailleurs. J’adore votre façon de vivre et surtout votre cuisine (rires).
L’amour de la France
Qu’aimez-vous particulièrement en France ?
Polina Bratuhhina : Au niveau du comportement, j’aime beaucoup l’état d’esprit ouvert que vous avez et on peut voir des personnes âgées faire la fête également. Mais j’aime beaucoup votre nourriture forcément, c’est le top, mais aussi le vin.
Getter Laar : Ah oui la nourriture française (rires) ! J’adore manger en plus. Je dois faire attention car sinon l’entraîneur ne va pas être content mais j’aime bien ce que j’ai découvert ici. La quiche lorraine, les grenouilles, les moules… tout !
Polina Bratuhhina : On avait entendu parler du fait que vous mangiez des escargots ou des grenouilles. J’ai goûté en arrivant en France pour me faire une idée. Ce n’est pas trop mal, ça dépend des sauces (rires).
Le mal du pays
Qu’est-ce qui vous manque le plus de l’Estonie ?
Polina Bratuhhina : La mer ! En Estonie, on a la mer partout autour du pays. Je viens de Narva, donc j’étais bien située…
Getter Laar : … et moi de Pärnu, donc c’est sûr que la mer manque beaucoup. Surtout ici (rires). La famille et les amis me manquent principalement. Pas grand-chose d’autre.
Polina Bratuhhina : Plus aucune personne de ma famille proche n’habite en Estonie, hormis mes tantes avec qui on n’est pas très proches. Ma mère habite en Finlande avec son mari, ma sœur jumelle habite à Chypre et mon père vit en Russie. Je les vois une fois tous les cinq ans.
Getter Laar : Je retourne en Estonie pour Noël et pour les vacances estivales. Ma mère est venue me voir, et mon père également, pour la première fois depuis quatre ans.
Pensez-vous retourner en Estonie plus tard, après votre carrière de sportive de haut niveau ?
Getter Laar : Je ne sais pas. Je me sens bien ici et je travaille avec les petites au FC Metz et cela me plaît beaucoup. Mais j’aimerais aussi apporter quelque chose auprès des joueuses estoniennes… Pourquoi ne pas imaginer travailler dans la Fédération estonienne de football ? Je suis entre les deux, mais j’ai le temps.
Polina Bratuhhina : Cela va dépendre de la suite de ma carrière, mais aussi de la carrière d’entraîneur de volley de mon mari. Je serais sûrement amenée à le suivre suivant les opportunités. Retourner dans l’Est de l’Europe est loin d’être une priorité.
Bio Express
Au võrkpall
Polina Bratuhhina Pitou (29 ans) – Volley-ball – née à Narva (Estonie)
Joueuse de Terville Florange Volley (Ligue A) – Internationale estonienne
Au jalgpall
Getter Laar (27 ans) – Football – né à Pärnu (Estonie)
Joueuse du FC Metz (D1) – Internationale estonienne
Photos : Moselle Sport - Article publié le 24 janvier 2017