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Entraîneurs limogés : un nouveau sport national ?

En France, on est champion. Dans plein de domaines. Mais il y en a un où on est presque aussi forts que les Anglo-Saxons. C’est celui du limogeage d’entraîneur. 7 en Ligue 2 et 4 en Ligue 1 au cours de la saison en cours. Radioscopie d’un mal en passe de devenir bien français.

« Être entraîneur, c’est comme vivre sur un volcan : chaque jour peut être le dernier », résume Arsène Wenger, coach d’Arsenal depuis 1996, et qui témoigne d’une longévité exceptionnelle en Premier League. Surtout lorsque l’on sait que 29 managers ont été destitués dans les quatre principales divisions britanniques (source BBC). Un record. En France, on n’est pas en reste. Nos dirigeants de clubs affectionnent tout particulièrement cette saison ce que les médias appellent le « choc psychologique ». Ce choc ardemment espéré par tout président qui limoge son entraîneur en cours de saison et qui tient plus du mythe que de la réalité. En Ligue 2, à l’heure où l’on vous parle, le classement des équipes concernées par un limogeage d’entraîneur n’a pas changé : Sochaux, Créteil, le Paris FC ou Évian Thonon-Gaillard sont toujours situées dans les profondeurs du classement. Seules exceptions à la règle : Le Havre a retrouvé l’objectif de départ, c’est-à-dire la montée et Metz est toujours candidat à l’accession. Ce choc psychologique tant attendu a bien évidemment fait l’objet de quantités d’études. Et chacune a sa propre interprétation. Il y a d’abord celles qui obéissent à une logique implacable comme la théorie de l’universitaire britannique Chris Hope. D’après lui, la vie d’un entraîneur de football se décompose en trois phases : la première peut s’assimiler à une lune de miel, moment où les dirigeants de club n’envisagent pas de le remercier ; la deuxième phase étant propice à la stabilisation des résultats ; la troisième étant une période un peu plus compliquée car consécutive à une fatidique série de cinq mauvais matchs. C’est généralement là où les dirigeants se séparent du technicien en oubliant la bonne dynamique passée. En gros, ça nous rappelle un peu ce qui s’est passé récemment à Metz où José Riga a été remercié au terme de ces… cinq matchs : contre l’AJA (0-1), au Red Star (3-1), à Wasquehal (2-1), face à Dijon FCO (1-2) ou à Tours (2-0). Bon après, il faut savoir tout de même relativiser surtout lorsque l’on sait que José Riga, pour sa première dans son nouveau club de Charlton (D2 anglaise), a débuté avec un « magnifique » 6-0 concédé à Hull City. Après, on nous parle de choc psychologique…

Réponse facile

Ensuite, il y a une constante. La grande majorité des licenciements en cours de saison ont en effet lieu après une série de mauvais résultats. C’est aussi, trop souvent, une solution facile pour les dirigeants de calmer d’une part, les actionnaires et d’autre part, les supporters. Une façon de s’acheter la paix sociale en quelque sorte… À noter également qu’une équipe qui vient de subir une série de mauvais résultats a tendance à améliorer ses performances, qu’elle ait licencié son entraîneur ou non. Prenons l’exemple de Thierry Laurey au GFC Ajaccio (L1). Le coach à qui le club doit deux montées comme à un certain Albert Cartier à Metz, n’a gagné son premier match en Ligue 1 qu’à la 11e journée (3-1 face à l’OGC Nice le 24 octobre dernier). Auparavant, il a dû essuyer les plâtres avec une série de 7 matchs perdus entrecoupée de 3 matchs nuls. Olivier Miniconi, le président lui a laissé le temps de prendre ses marques. Et depuis ce match contre Nice, jusqu’à la 21e journée, le « Gaz » a enchaîné avec 5 victoires et n’a concédé qu’une seule défaite le 23 janvier dernier. A contrario, un changement d’entraîneur peut pousser les joueurs à se remettre en question. On le voit actuellement avec Lyon qui a certes, perdu le derby en dépit d’une outrageuse domination à Saint-Étienne, mais qui a retrouvé un style de jeu séduisant et plutôt offensif avec Bruno Genesio. Pour Olivier Guillier, ancien footballeur en CFA, aujourd’hui préparateur physique et mental, il y a de nombreuses autres manières d’obtenir un choc psychologique. « Il existe différents types d’exercices qui peuvent remobiliser un groupe », expliquait-il, dans les colonnes de France Football. Par exemple, l’exercice « attentes et engagements mutuels », qui permet d’accroître la solidarité dans le groupe en laissant chacun exprimer ses désirs. « On peut aussi proposer aux joueurs une série de petits challenges. Quand j’étais au Mans, on s’était fixé de prendre 11 points en 5 matchs pour remonter dans le haut du tableau. Certains joueurs ne marchent que comme ça. Ça permet de les mobiliser et de diminuer les réactions extrêmes (euphorie, panique) après une victoire ou une défaite. Au final, on peut jouer sur beaucoup de ressorts. Limoger l’entraîneur devrait être la dernière extrémité. C’est une réponse beaucoup trop facile et bien souvent, ça ne change rien. » Une théorie soutenue par Baster Weel, un économiste néerlandais qui rapportait sa vision en la matière dans Le Monde. « Changer de manager durant une crise en cours de saison n’améliore les résultats que sur le très court terme. Ne rien changer aurait eu exactement le même impact. » En France, nous n’avons pas adhéré cette saison à cet état d’esprit. Mais nous ne sommes pas encore au stade des Anglais qui ont encore pris un train d’avance. En Grande-Bretagne, on parie désormais sur le prochain coach viré. Hélas.

La compil’ des meilleurs communiqués de limogeage

Stade Rennais (L1) : le lapidaire

« J’ai vu Philippe ce matin pour lui dire qu’on se séparait et qu’il était remplacé par Rolland Courbis. Voilà. » – René Ruello, président du Stade Rennais – 20 janvier 2016.

LOSC (L1) : faute avouée, à moitié pardonnée

« Après 13 journées de Ligue 1, le LOSC pointe à la seizième place du classement ; une position périlleuse et assurément pas à la hauteur des objectifs du club. Une position qui n’apparaît, par ailleurs, pas en phase avec les capacités et le potentiel de l’effectif professionnel qui, au-delà des résultats bruts, n’a pas trouvé avec Hervé Renard son équilibre et sa dynamique. » – Michel Seydoux, président du LOSC – 8 novembre 2015

OL (L1) & FC Metz (L2) : les didactiques

« Suite à une analyse approfondie des résultats à mi saison et aussi de leur évolution au fil du temps, après avoir débattu de tous les facteurs ayant conduit à une dégradation au cours des trois derniers mois, José Riga et moi-même avons décidé d’un commun accord qu’un changement était nécessaire. » – Bernard Serin, président du FC Metz – 24 décembre 2015.

« Différentes hypothèses ont été étudiées, qui ont conduit pour être efficace le plus rapidement possible, à la décision de privilégier l’unité institutionnelle en confiant jusqu’à la fin de cette saison le poste d’entraîneur à Bruno Genesio » – Jean-Michel Aulas, président de l’OL – 27 décembre 2015.

HAC (L2) : la prise de conscience

« Le changement d’entraîneur s’inscrit dans la suite de la construction du projet que nous menons depuis la reprise du club » – Vincent Volpe, président du HAC – 24 septembre 2015.

FC Sochaux (L2) : la proposition qu’on ne peut refuser

« J’attendais le bon projet pour me relancer et m’épanouir comme entraîneur et comme homme. Je connais le club, sa culture et la région. C’est très important. Le FCSM est en difficulté et je ne pouvais refuser de l’aider et de lui apporter mon énergie » – Arrivée d’Albert Cartier le 3 octobre 2015

Photos : Moselle Sport - Article publié le 25 janvier 2016

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