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Emmanuel Adebayor : une année en enfer

Fierté de la formation messine par excellence, joueur de talent au CV déjà bien rempli (Monaco, Arsenal, Manchester City, Real Madrid, Tottenham), Emmanuel Adebayor est un joueur hors-norme, aussi talentueux qu’agaçant, qui ne laisse pas les supporters indifférents. Après une année 2013 terrible pour le géant togolais, Adebayor revit avec les Spurs, sous l’ère Tim Sherwood, après avoir été ignoré par Andre Villas-Boas. Chronique d’un retour inattendu.

Difficile de vivre une année plus noire. Indubitablement, Emmanuel Adebayor ne pourra pas chasser de sa mémoire une année 2013 compliquée sur le plan personnel et, un degré moindre, sur le plan professionnel. La disparition de son frère aîné cet été, avec qui il entretenait des relations compliquées, une CAN 2013 décevante pour une sélection togolaise toujours marquée par l’attentat subie il y a quatre ans et qui avait tué deux membres de la délégation togolaise, la perte de sa place au sein de l’effectif professionnel des Spurs, autant de difficultés à surmonter pour le géant togolais (1,94m), qui savoure, aujourd’hui son retour en grâce avec son club. Retour sur un parcours détonnant.

Metz pour l’éclosion, Monaco pour l’exposition

S’il voit le jour à Lomé en 1984, c’est pourtant à Sochaux qu’Emmanuel Sheyi Adebayor naît aux yeux du monde, en novembre 2001, au Stade Auguste-Bonal. C’est Jean Fernandez, alors coach du FC Metz, qui lance ce longiligne attaquant du centre de formation, arrivé deux ans plus tôt de son Afrique natale. Doté d’une technique au-dessus de la moyenne, les premiers matchs du numéro 29 messin sont plutôt anonymes. On lui reproche sa maladresse et ses mauvais choix offensifs, on souligne sa technique toute en finesse, inhabituel au vu de son physique. Emmanuel Adebayor parvient à gagner la confiance de son entraîneur qui finira la saison avec lui, inscrivant par la même occasion ses deux premiers buts en pro (à Monaco et contre Rennes). Sa seconde saison sous le maillot grenat sera celle de l’éclosion. En Ligue 2, Adebayor s’impose comme l’élément clé de l’attaque messine et jouera la bagatelle de 34 matchs sur les 38 de la saison. Avec 13 buts à la clé, le Togolais tape dans l’œil des recruteurs étrangers, notamment ceux de Premier League. Si Southampton, Blackburn et, dans un degré moindre, Chelsea, sont intéressés, c’est Monaco qui rafle la mise pour 3,2 millions d’euros. Après seulement 51 matchs (17 buts) en deux saisons, l’Épervier quitte la Moselle, bourré d’ambitions. « Je suis très satisfait de signer à Monaco, explique le joueur, juste après sa signature, en 2003. Le groupe est solide mais je n’ai pas peur de la concurrence. » Lors de sa première saison à Monaco, l’année de la folle épopée des Rouge et Blanc en Ligue des Champions (finale perdue contre le FC Porto), Adebayor est barré par une concurrence terrible au sein de l’effectif de Didier Deschamps : Fernando Morientes, Dado Prso et Shabani Nonda lui sont souvent préférés. Il apparaît à 31 reprises cette année-là, toutes compétitions confondues, et ne marque qu’à 8 reprises. Il n’échappe pas aux critiques qui lui reprochent son manque d’efficacité et sa nonchalance sur le terrain. Guère plus productif la saison suivante (36 matchs, 9 buts), en étant pourtant l’attaquant le plus utilisé par Didier Deschamps cette année-là, il est moins prolifique que ses concurrents directs en attaque – Chevanton (10 buts en 27 matchs), Mohammed Kallon (11 buts en 34 matchs) et Javier Saviola (8 buts en 27 matchs). Et quand les médias remettent en question son efficacité, Adebayor se laisse rarement critiquer. « Mais ça n’est pas parce qu’il y a beaucoup de blessés qu’il faut dire qu’on attend plus de moi. Ce n’est pas pour ça que je vais jouer à 2 000 à l’heure, acène-t-il en décembre 2004 alors que Monaco traverse une mauvaise passe, au même titre que son numéro 24. Je vais jouer comme je sais le faire. Je n’ai pas besoin que les gens soient blessés pour que je puisse jouer. Ce serait comme si j’étais un bouche-trou. Maintenant, c’est à moi de prouver à tout le monde que j’ai les qualités pour jouer. » Malgré deux ans et demi en demi-teinte, Emmanuel Adebayor tape dans l’œil d’Arsène Wenger qui lui trouve des qualités intéressantes pour le championnat anglais. Il rejoint les Gunners pour 10 millions d’euros en janvier 2006.

Arsenal pour l’explosion, City pour les millions

Sous les ordres d’Arsène Wenger, Emmanuel Sheyi Adebayor va exploser. Le Togolais effectuera d’ailleurs la meilleure saison de sa carrière lors du départ de Thierry Henry à Barcelone, en 2007-2008. Résultat : 30 buts en 48 matchs toutes compétitions confondues, ce qui fait de lui le chouchou du public londonien… jusqu’à l’été 2009 où le géant numéro 25 des Gunners décide de passer à l’ennemi : Manchester City. « C’était une décision très difficile de quitter Arsenal parce que je ne voulais pas quitter le club pour être honnête, confie-t-il au Guardian peu après son arrivée dans les Eastlands. Mais, vous savez, les dirigeants des Gunners avaient trouvé un accord de Man City, et même si vous aimez un club, vous pouvez le quitter. » Et le narguer. En septembre 2009, Adebayor traverse tout le terrain pour aller chambrer le public d’Arsenal après un but marqué à l’Etihad Stadium de Manchester pour une victoire des Citizens (4-2). Pour cette provocation gratuite et pour avoir volontairement chargé son ancien coéquipier Robin Van Persie, le Togolais écopera de deux matchs de suspension. « Quand j’ai entendu les fans d’Arsenal insulter ma famille… je devais répondre. Je n’avais pas le choix. Je ne peux pas aller dans les fans et commence à crier, je ne peux rien faire. Alors la meilleure façon de répondre était de marquer un but contre eux. Et c’est ce que j’ai réussi à faire. Je regrette ce geste mais sur le moment, j’avais la haine. »

Le Real Madrid comme solution, Tottenham pour la rédemption

Une histoire d’amour qui finit mal, comme celle avec City d’ailleurs. Une idylle qui ne durera qu’un an et demi (19 buts en 45 matchs) avant deux prêts successifs : au Real Madrid puis à Tottenham qui rachètera son contrat pour la modique somme de 6,3 millions d’euros. Après une première saison réussie sous les ordres d’Harry Redknapp (18 buts en 37 matchs), Manu Adebayor paie cash l’arrivée du Portugais Andre Villas-Boas chez les Spurs (5 buts en 25 matchs en 2012-2013). « Cela s’est mal passé avec AVB, raconte Adebayor sur Infosport +. Ce n’est pas un mauvais homme mais il n’acceptait pas de parler avec moi et a même décidé de m’envoyer m’entraîner avec les jeunes sans me le dire en face. Je lui souhaite de vite rebondir après ses échecs à Chelsea et aux Spurs. » Un brin malicieux, le Togolais savoure sa revanche aux côtés de Tim Sherwood. Avec six buts marqués lors de ses sept premiers matchs, Adebayor revient en grâce après une année noire. « J’ai perdu mon frère cet été. Nous avons connu des hauts et des bas mais c’était mon frère aîné. J’espère qu’il est plus heureux là-haut et qu’il est fier de moi. Je pense à lui tous les jours. Je joue pour lui aujourd’hui. » Contre vents et marées, le phénix est de retour.

Photos : DR - Article publié le 7 avril 2014

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