Le basket féminin en Moselle, ça va ?
Inventé aux États-Unis en 1891 pour les garçons, le basket-ball a immédiatement été adopté par les filles dès l’année suivante. Grâce à Senda Berenson Abbott, une professeur de gymnastique qui initie à ses élèves à saisir la balle au bond. En 1893, la discipline arrive en France bien avant que nos « braqueuses » ne connaissent la consécration aux championnats d’Europe en 2001 et 2009. Aujourd’hui, le basket-ball féminin représente environ 30 % des effectifs de la FFBB. Et en Moselle, quelle est la place de la discipline ? Nous avons essayé d’en savoir un peu plus en s’intéressant à deux clubs exemplaires en la matière : le District BC et le BC Rombas.
District BC
« La solidarité s’installe plus facilement dans une équipe féminine »
Créée en 1995, le District BC s’est peu à peu tournée vers le basket féminin avec trois équipes sur cinq engagées en championnat. Entretien avec Thomas Houllé et Emmanuel Baur, respectivement président et secrétaire du club.
« On communique beaucoup pour recruter les filles ». Thomas Houllé qui attaque cette saison, sa 11e année de présidence, ne s’en cache pas. « Sur la centaine de licenciés du club, nous comptons cinq équipes engagées en championnat : une mixte (U11), une masculine (senior) et surtout trois féminines en catégories U13, U18 et Seniores. » Des équipes qui s’entraînent dans deux gymnases, l’un à Rodemack depuis la création du District en BC en 1995 et à Kanfen depuis 2005 suite à la fusion avec le club de Rettel. « En tout, nous disposons d’une dizaine de créneaux horaires. » Suffisant pour la pratique mais bien moins que le handball, la discipline phare dans le Nord Mosellan. « Dans notre secteur, il y a quasiment un club par ville. C’est dire le chemin qu’il reste à accomplir le basket. » Pour ce faire, le District BC a pris le parti de communiquer. Par les réseaux sociaux qui fonctionnent très bien auprès des jeunes, par des opérations dédiées (« Ramène ton copain ») ou des organisations de stages réservés aux féminines. « Notre objectif à terme est d’alimenter l’équipe senior dont la moyenne d’âge est de 35 ans aujourd’hui. L’idée est d’intégrer peu à peu les jeunes pousses pour pérenniser la discipline au sein du District BC. »
« Les filles sont plus appliquées »
Des jeunes talents suivis par Habib El Asame, entraîneur attitré des U11 et U13. « Ayant pratiqué le basket-ball pendant une dizaine d’années avant de me tourner vers le Taekwondo, je suis revenu à mes premières amours grâce à ma fille. En effet, je souhaitais qu’elle fasse un sport collectif et le basket s’est rapidement imposé. » Habib passe alors ses diplômes, à la fois « pour être légitime et crédible dans le poste mais surtout pour amener un vrai bagage aux joueuses. » Il s’est donné pour objectif de préparer les jeunes pousses à former, d’ici quelques années, l’équipe fanion. « C’est assez intéressant d’entraîner les filles. L’état d’esprit est différent par rapport aux garçons. On ressent une véritable « collégialité » entre elle, une volonté de travailler ensemble. La solidarité s’installe plus facilement dans une équipe féminine que chez les masculins, davantage individualistes et compétiteurs. » Constat identique du côté des U18. « Les filles sont plus appliquées, écoutent plus les consignes que les garçons », souligne César Truchard, « Comme Habib, je suis revenu au basket-ball grâce à ma fille. Il y a cinq ans, j’abandonnais le badminton que je pratiquais assidûment pour la suivre. Aujourd’hui, avec Thomas Ehret (l’autre entraîneur, NDLR), je m’occupe des U18 qui est le réservoir de l’équipe senior. » Au quotidien, au-delà de la compétition, les deux coachs ont vocation à « inculquer les bons gestes qui ne sont pas encore intégrés. » Car pour évoluer à un niveau plus élevé, il s’agit d’être précis et à l’aise dans la circulation du ballon. « Pour l’instant, nous sommes à un niveau départemental en championnat. Suivant nos résultats d’ici la fin de l’année, nous sommes susceptibles d’évoluer à un échelon régional, qui nous permettra de rencontrer des équipes plus fortes techniquement. » Le tout pour honorer l’objectif du club : devenir l’un des incontournables féminins de la discipline dans le Nord Mosellan d’ici quelques années.
Flora Petit
« Le basket féminin en Moselle ? C’est la sinistrose »
Fleuron du basket-ball féminin en Moselle, voire même du Grand Est, le Rombas Olympic Club s’évertue depuis plus de 40 ans à favoriser la pratique féminine, dans une discipline où les femmes ont beaucoup de difficultés à trouver un club. Grâce au ROC, le basket féminin comble un déficit grandissant. Sans tout régler pour autant. Rencontre avec la présidente du club, Flora Petit.
Comment est née votre vocation à faire un club à destination du public féminin ?
C’était un club mixte au départ mais les dirigeants de l’époque se sont vite rendus compte que c’était une vraie usine à gaz, avec trop d’équipes, trop de catégories et pas assez de créneaux d’entraînement pour satisfaire tout le monde. Le club bénéficiait à l’époque, en plus du COSEC André Ruppert, du gymnase du lycée Julie Daubié de Rombas. Mais une fois le gymnase plus aux normes, le club ne pouvait plus continuer comme ça, c’était devenu infernal pour encadrer matchs et entraînements. La fédération a poussé pour faire une seule section, masculine ou féminine. Et comme nous avions, au sein du club, Josette Delclaux, alors professeure d’EPS et spécialiste basket. Elle a eu un rôle prépondérant dans la création de la section féminine du ROC, née officiellement en 1976.
Comment se porte le club aujourd’hui ?
Bien, très bien même. Nous comptons 130 licenciés, un chiffre qui se stabilise depuis plusieurs années. Nous comptons quelques hommes dans notre structure, pour les enfants jusqu’à 8 ans (baby basket et mini-poussins), et notre équipe mixte loisirs pour adultes. Nous sommes la deuxième plus grande structure de basket-ball féminin du Grand Est derrière le SLUC Nancy Basket. Nous sommes un club attractif, de par la qualité de nos entraînements, de nos éducateurs, et par nos résultats. En 2013, nous avons réalisé l’exploit de devenir champion de Lorraine dans les catégories benjamines, minimes et cadettes, c’est du jamais vu dans la région. En 2016, les U15 minimes sont devenues championnes de Lorraine, puis du grand quart Est en battant l’équipe d’Alsace en finale, après avoir éliminé des équipes de la région parisienne, de la Haute-Saône ou de Champagne-Ardenne, en ne connaissant qu’une défaite qui plus est. Aujourd’hui, notre équipe phare, les séniors réalisent un excellent début de saison en pré-nationale grâce notamment au retour conjugué de 4 joueuses formées au club et le travail acharné de l’entraîneur Jérôme Keita. Nous visons d’ailleurs le podium cette année, avant de croire en la montée en Nationale 3 dans les deux ans à venir.
Est-ce évident de faire fonctionner un club comme le vôtre ?
Évident, non. Mais grâce à un comité dynamique et de nombreux bénévoles, nous arrivons à proposer à nos joueuses un programme d’entraînement fourni, et des encadrants nombreux pour suivre les filles sur les terrains. Notre objectif est d’impliquer chaque joueuse dans la vie du club, pour les mener vers un poste d’éducateur, mais aussi pour fournir notre équipe sénior de joueuses formées au club. Aujourd’hui, nous avons la chance de compter parmi nos encadrants, trois joueuses de l’équipe première du ROC : Sabine Colabianchi, Lisa Walsdorf et Stéphanie Pellizzeri. Nous pouvons également compter sur Jérôme Keita, titulaire du Brevet d’État 2e niveau, pour encadrer cette fine équipe. Nous partageons Jérôme avec le BC Thionville, où il passe un tiers de son temps. Arrivé en 2011, Jérôme Keita est l’un des piliers de la réussite de Rombas OC.
Quelle vision avez-vous du basket féminin mosellan ?
C’est la sinistrose, il ne faut pas se le cacher. Nous regrettons le manque de soutien du comité départemental mosellan de basket ainsi que de la Ligue régionale, qui n’influent pas assez pour pousser les clubs à inscrire des équipes féminines dans des championnats. Les clubs lorrains préfèrent majoritairement faire jouer les filles avec les garçons et c’est la plus mauvaise chose à faire. À force de jouer avec les garçons, la plupart des filles sont rapidement dégoûtées par la pratique du basket dès le plus jeune âge et arrêtent. Ce n’est pas une solution ! Personne ne veut s’investir dans l’encadrement. Il faut que le comité départemental exige plus de la part des clubs à propos des sections féminines. Sinon, on ne pourra pas aider les jeunes filles à pratiquer le basket-ball. C’est un combat difficile.
Photos : DR - Article publié le 11 janvier 2019