Stéphane Brogniart : La méthode de l’Instant Présent
« Je vais peut-être te choquer en disant ça mais je n’ai pas l’impression d’être un sportif. » Les premiers mots de Stéphane Brogniart ont de quoi interloquer. Celui qui insiste pour que l’on se tutoie dès les premiers échanges, est un drôle de bonhomme. Un grand barbu sec et musculeux qui écume les courses d’Ultra-trail de France et de Navarre, donne l’impression d’être sorti des bois. « Je suis originaire de Saint-Dié-des-Vosges et j’ai toujours eu une relation particulière avec la nature. » Il y a tout juste 1 an, Stéphane confiait d’ailleurs au blog des bossesetdesbulles qu’il « avait trouvé une valeur refuge dans la forêt. » On l’aura compris, pour lui, point de route, un lieu où la notion de plaisir est absente et où l’ennui prédomine. Pourtant, ce plaisir, Stéphane a bien failli le perdre en 2009. « À cette date-là, j’ai tout arrêté car je ne cessais de me miner physiquement. Depuis 2007, je ressentais un grand écart entre l’entraînement et ce que je réalisais en compétition. Cela ne m’allait plus, j’en étais presque devenu désagréable avec mes proches. J’ai alors décidé d’arrêter complètement le trail. » Le coureur se met à… lire ! « Psychologie du sport, l’art du bonheur… J’ai ingurgité nombre d’ouvrages sur ces thématiques pendant quatre mois. » Période au cours de laquelle il arrête de courir. « J’ai mis ce temps à profit pour rencontrer des gens (dont Dawa Sherpa, coureur d’ultra trail et fondeur népalais, NDLR) et comprendre qu’une médaille ne rendait pas forcément heureux. L’objectif étant plutôt de me réaliser pleinement. » C’est pour cette raison que Stéphane s’est basé sur « l’instant présent. C’est-à-dire être capable de se concentrer sur un seul élément que l’on est en train de réaliser. » Pour aller au bout de la démarche, le Vosgien se remet à courir, muni cette fois-ci, de deux montres : une qui mesure le temps réel parcouru et l’autre vouée à l’instant présent. « Je ne la mettais en route qu’à partir du moment où mon corps et ma tête ne faisaient qu’un. Et je me suis rendu compte que plus j’avais la tête et le corps au même endroit, moins j’étais fatigué. »
Le retour aux choses simples
Fort de sa trouvaille, il la teste dès juillet 2009 sur l’épreuve Ardennes Méga Trail longue de 80 km et finit 3e. « C’est la première fois que je faisais un podium ! J’ai su que j’avais trouvé la bonne méthode. » Depuis, les podiums se sont enchaînés et ce, sans pression particulière. « Par exemple, à l’UTMB, je n’ai appris qu’à vingt kilomètres de l’arrivée que j’étais dans les quinze premiers. Les organisateurs te mettent une puce dans le sac à ce moment-là. Je ne me concentre pas sur les autres, qu’ils soient derrière ou devant. Si tu commences à t’énerver parce qu’un mec t’a doublé, il a pris le pouvoir sur toi. Et dans mon cas, ce n’est pas la bonne attitude ou tout au moins, ce n’est pas celle qui fonctionne sur moi. » Une méthode qui fait des émules. Intéressé par sa démarche, le groupe The North Face est devenu son principal sponsor, un documentaire « un pas après l’autre » a été réalisé sur son parcours et le monde de l’entreprise fait désormais appel à lui pour animer des conférences. « De nombreuses opportunités qui répondent à l’envie de partager mon expérience avec les autres. C’est très important. Les gens se rendent aussi compte qu’aujourd’hui notre monde hyper connecté nous a paradoxalement déconnecté de la réalité. Ils ont besoin de se retrouver. C’est peut-être pour ça que la course à pied a le vent en poupe. Pour être en bonne santé, il suffit d’enfiler des baskets, mettre un pied devant l’autre et réaliser quelque chose pour soi-même. En définitive, un retour aux choses simples. C’est ce qui rend heureux, non ? »
*Ultra-Trail Mont Blanc.
Photos : DR - Article publié le 29 juillet 2014