Philippe Bonneau : la rage de vaincre
« En dix ans, je ne me suis fait sortir que 4 fois. Je dois bien avouer que la dernière a été difficile à digérer. » En effet, la date du 6 août restera à jamais gravée dans la mémoire de l’athlète. « Les juges arbitres m’ont infligé des cartons en raison de ma jambe légèrement fléchie. » Au coude à coude avec l’Espagnol Miguel Perianez, Philippe Bonneau est disqualifié à 900 m de l’arrivée, « pour les mêmes raisons qu’au début de la course. J’ai ressenti alors une profonde injustice. Car ce jour-là, si je suis sorti, il aurait du en être de même pour l’Espagnol. D’autant plus que c’est la première fois que je me fais sortir en compétition internationale. » Résigné mais pas abattu, Philippe n’abordait pas la suite des événements dans les meilleures conditions. « La déconvenue au 5 000 m s’est transformée en rage de vaincre. Je n’ai pas dormi pendant les quelques jours qui séparaient le 5 km du 10 km mais surtout, je n’ai pas baissé les bras. » Tant et si bien que selon l’expression de l’athlète mosellan, mardi 11 août, le jour du départ du 10 km, s’est mué en « Carnaval de Rio » ! « J’étais dans une optique vengeresse. Il était hors de question que je fasse des cadeaux. Les hostilités ont débuté dès le démarrage de la course. » Parti devant, le Français a toujours fait en sorte de distancer son poursuivant ibère. Le chasseur a fini par lâcher prise, bien malgré lui. « Lors de la dernière accélération que j’ai eu l’occasion de faire, la seule solution qui se présentait à lui pour me doubler était de courir… » Au final, Philippe Bonneau termine le 10 km en 46″58, juste devant Miguel Perianez (47″07). « Aussi curieux que cela puisse paraître, les premières paroles prononcées après la course n’ont pas été pour le 10 km… Je n’ai pas réalisé tout de suite que j’étais champion du monde. J’ai simplement répété qu’ils m’avaient volé mon 5 000 m ! »
Conditions dantesques
Aligné au départ de la course du vendredi 14 août, celle de 20 km, Philippe Bonneau ne pensait pas faire aussi bien qu’au 10 000 m. « Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, je n’étais plus le guerrier qui s’était présenté au 10 km. Ensuite, dans cette épreuve, toutes les catégories d’âge sont représentées et je faisais partie des plus anciens. Mes adversaires du jour pouvaient afficher jusqu’à quinze ans de moins que moi ! » Mais il y a toujours un « mais ». Tout d’abord, un événement qui n’était pas prévu au programme. « Ma mère, âgée de plus de 80 ans et ayant beaucoup de difficultés à se déplacer, est venue jusqu’à Lyon me soutenir avec le reste de la famille déjà sur place. » Suffisant pour le grand sentimental qu’est Philippe pour se transcender. « Nous sommes partis très, voire trop, vite. » Distancé cette fois-ci par Perianez, il s’accroche et remonte sur la tête de course, en se payant le luxe de doubler tous les jeunes dès le 4e kilomètre. « Les conditions sont dantesques. Le soleil de plomb nous coupe littéralement les jambes et je sens rapidement que je coince. » L’Espagnol s’envole, prenant jusqu’à deux minutes, jusqu’au 14e kilomètre. « C’est alors que se produit l’impensable. Je le vois vaciller et heurter la barrière métallique. Je passe à côté et reprends la tête. Je sentais qu’il allait exploser tôt ou tard tant le rythme qu’il avait imprimé était beaucoup trop élevé pour le tenir jusqu’au terme de la course. » Entre le 14e et le 20e kilomètre, Philippe se sort les tripes et finit 40 secondes devant un Costaricain. « Je termine l’épreuve sur un chrono moyen, 1h43, bien loin de mon record de France (1h37’48) mais je suis champion du monde. Je réussis à faire le doublé ! »
Une autre philosophie
Maintenant qu’il a tout gagné ou presque, quels seront à l’avenir les objectifs de Philippe Bonneau ? « Je vais continuer à la seule différence que je vais arrêter de m’acharner pour me qualifier en Élite. J’ai l’âge de mes artères. Il faut désormais avoir une autre philosophie avant que ce ne soit pathétique. Attention, je n’arrête pas la marche athlétique mais je vais poursuivre en Vétérans, un niveau suffisamment élevé pour continuer à assouvir ma quête de performances. Puis, mon double titre de champion du monde, je le dois bien évidemment à ma famille et mes proches ainsi qu’à trois personnes sans qui, il aurait été difficile d’y parvenir : Jean-Luc Vibratte que j’ai réussi à convaincre de sortir de sa retraite pour me coaches, Didier Chenet qui s’est occupé de ma préparation mentale et Jean-Luc Bramas, le directeur du Centre E. Leclerc d’Hauconcourt et partenaire fidèle qui me suit depuis cinq ans. » On continuera donc à suivre Philippe Bonneau sur les pistes de France et de Navarre. Même s’il ne s’interdit pas non plus de diversifier sa pratique avec « du trail, du marathon et du raid. Sans abandonner la marche. »
Photos : DR - Article publié le 24 août 2015