P’tit Louis d’Angleterre
Louis Saha ne fut pas roi en son royaume, loin de l’hégémonie légendaire du « King » Éric Cantona, mais l’attaquant a marqué la Premier League de son empreinte. Un joueur redouté sur les terrains anglais, comme le racontait récemment son ancien coéquipier à Manchester Utd, Gary Neville : « Le seul autre adversaire que Cristiano Ronaldo où j’ai eu un réel enthousiasme était Louis Saha. Je me souviens d’avoir joué contre lui comme défenseur central quand il était à Fulham et il m’a détruit trois saisons sur le rebond. J’étais dévasté quand je devais jouer contre lui et je pensais que nous devions le signer. C’était clairement un autre type de joueur que Cristiano Ronaldo, mais nous avons parlé de lui dans le vestiaire de la même manière. » Louis Saha, c’est un diamant brut freiné par des blessures à répétition qui l’ont empêché de devenir l’attaquant numéro 1 des Red Devils et de l’équipe de France. « Quand j’ai joué (151 matchs), j’ai marqué régulièrement (53 buts), mais les blessures permanentes étaient dures à vivre, raconte Louis Saha. Je pouvais faire cinq ou six matches puis je me blessais à nouveau. Chaque fois, il m’a fallu repartir de la case départ. C’était dur, c’était chiant. Je suis quelqu’un qui essaye toujours de positiver. Si je m’étais posé systématiquement des questions, je ne m’en serais pas sorti, ça m’aurait rendu fou. J’en ai juste marre qu’on ne parle de moi qu’à cause de ça. » Formé à l’INF Clairefontaine dans la même promotion que Philippe Christanval et Nicolas Anelka, Louis Saha rejoint le centre de formation du FC Metz en 1995, avant d’intégrer régulièrement le groupe professionnel à partir de 1997. Son entraîneur de l’époque, Joël Muller se souvient : « Louis, c’était un garçon avec un potentiel exceptionnel. Très explosif, vif, rapide avec une détente de félin, il avait une qualité de dribble qui a fait de lui un attaquant redoutable. » Sa première apparition en pro, le 8 août 1997 face aux Girondins de Bordeaux (4-1) lui permet même d’inscrire le premier but de sa carrière. Lors de cette saison où Metz finira vice-champion de France, P’tit Louis prend part à 21 matchs (1 but), mais un seul comme titulaire. L’impatience chez le jeune attaquant de 19 ans monte. « Louis a intégré le groupe à un moment compliqué pour se faire une place de titulaire car l’équipe tournait bien, ajoute Joël Muller. Il y avait Bruno Rodriguez, Robert Pirès, Vladan Lukic… Il avait de grandes ambitions et n’avait pas la patience d’attendre sa chance, c’est la raison pour laquelle il a demandé à être prêté à Newcastle la saison suivante. »
Newcastle puis Fulham avec Tigana
Hiver 1999, le Parisien est prêté chez les Magpies alors dirigés par Ruud Gullit et y fera 12 apparitions en six mois. Assez pour taper dans l’œil de Jean Tigana, coach de Fulham (D2 anglaise) qui arrache l’attaquant à son club formateur pour la somme de 2 millions de livres. Dans la banlieue de Londres, Saha s’éclate et participe à l’éclosion de ce jeune et riche club, présidé par le milliardaire égyptien Mohamed Al-Fayed. En trois ans et demi à Fulham, qu’il aide à monter en Premier League dès la première année, Louis Saha inscrit 63 buts en 141 matchs. Sir Alex Ferguson en fait sa priorité au mercato hivernal 2004 et l’obtient après un clash entre Saha et Fulham pour la bagatelle de 18 millions d’euros. À Manchester, Saha côtoie des stars dans une institution du football anglais. Keane, Ronaldo, Giggs, P’tit Louis se rappelle : « Ryan Giggs, c’est le meilleur, sans aucun doute. Beaucoup de footballeurs rêvent de jouer à ses côtés. Si vous êtes avec lui, c’est que vous êtes au top. Pour tout professionnel qui se respecte, quel que soit son âge, Giggsy est un exemple. Cristiano Ronaldo est le joueur qui m’a le plus impressionné durant ma carrière. Pour son obsession à être au top physiquement, à marquer des buts tout le temps, à toujours prouver qu’il est meilleur que les autres. Moi aussi, je suis un compétiteur mais j’ai rarement vu un joueur plus fort que lui, physiquement, mentalement et dans la constance des performances. Car pour un footballeur, le plus difficile, c’est la constance et lui il a tout ça. En plus du talent. Et puis il y avait Roy Keane, un joueur emblématique avec un très, très gros caractère. Il était doux dans la vie mais quand il pétait les plombs, il valait mieux courir. » Avec Man Utd, il impressionne dès ses débuts avec sept buts en dix apparitions qui lui valent d’être appelé en équipe de France.
Blessures… et une Ligue des Champions
À partir de la saison suivante, les blessures viennent perturber son ascension avec les Red Devils. Des blessures récurrentes dont Joël Muller en connaît peut-être une partie des raisons. « Louis faisait de l’asthme quand il était avec nous à Metz et ne pouvait pas faire toutes les séances d’entraînement à fond. Et à cet âge-là, il ne se renforçait pas comme ses coéquipiers, cela a pu jouer dans sa fragilité future. » Avec seulement 124 matchs en quatre ans (dont seulement 14 en 2004-2005), Saha quitte Manchester non sans avoir rempli son armoire à trophées : deux titres de champion d’Angleterre, une Ligue des Champions en 2008 et une League Cup. Il quitte Manchester pour Everton, puis jouera une saison à Tottenham et à Sunderland. « Je garde de bons souvenirs de tous les clubs pour lesquels j’ai eu la chance de jouer. Manchester United collectionne les titres et j’ai vécu de grandes choses là-bas. J’ai aussi apprécié mes passages à Everton et à Fulham car je disputais pratiquement tous les matches. J’ai aussi porté les couleurs de Newcastle, Sunderland et Tottenham. J’ai relativement peu joué dans ces clubs, on ne peut donc pas dire que j’y ai connu mes meilleures années. Pourtant, chacune de ces expériences a compté dans ma carrière. » Louis Saha finira sa carrière en découvrant la Serie A, à la Lazio Rome, en 2013. « Il m’a fallu un petit moment m’adapter à l’Italie car les matches se déroulaient sur un rythme auquel je n’étais pas habitué. Les entraînements ne sont pas non plus tout à fait les mêmes. En revanche, l’état d’esprit était excellent. Mes coéquipiers m’ont tout de suite mis à l’aise. C’est un bon souvenir. » Après avoir raccroché les crampons, Louis Saha devient consultant-agent pour un groupe de sport management, Stellar Group, en Angleterre, en même temps que consultant sur la chaîne sportive beIN Sports. En mai 2014, il crée un réseau social fermé pour sportifs professionnels, Axis Stars avec pour objectif de conseiller les joueurs et les aider à mieux comprendre et choisir leurs contrats avec les entreprises. Une nouvelle vie.
Photos : DR - Article publié le 8 août 2017