Obraniak : « J’avais le FC Metz dans la peau »
Ludovic, deux mois après le match Metz-Nancy (3-0), que vous inspire, comme souvenirs, ce derby lorrain ?
Quand j’étais gamin, je me souviens de la ferveur que pouvait engendrer un tel match, pour les supporters comme pour les joueurs d’ailleurs. Cela va au-delà du sportif. En équipe de jeunes, il fallait absolument gagner contre Nancy pour l’honneur de la région. Cela permet aussi de remplir un stade qui n’avait pas connu une telle affluence depuis de nombreuses années. C’est bien pour tout le monde tant que cela ne déborde pas.
Enfant du club, vous êtes arrivé à Metz à l’âge de 7 ans en provenance de Plantières. À cette époque, vous saviez dans quoi vous mettiez les pieds ?
Non, je savais que c’était le club professionnel du coin mais je n’avais pas de grosses notions de ce que cela voulait dire. Je jouais dans un petit club, le football était de l’amusement et j’ai longuement hésité à dire oui au FC Metz car je voulais rester avec mes copains avant tout. Mais devant l’insistance de l’entraîneur des jeunes, Jean-Pierre Goujard, qui voulait déjà me faire venir en poussins, et les arguments de mes parents, j’ai accepté de rejoindre Metz. Devenir pro, c’est arrivé petit à petit quand tu te rends compte de la structure que tu viens d’intégrer. La compétition et le dépassement de soi deviennent vite un leitmotiv.
Vainqueur de la Gambardella en 2001, vous débutez contre Caen, avec les pros, en novembre 2002. Quels souvenirs avez-vous de cette période ?
La Gambardella, c’est l’aboutissement de ma formation, de tous les sacrifices et le travail que j’ai faits étant jeune. C’est un moment important de ma carrière avec une génération talentueuse et cette victoire en Coupe Gambardella fut sûrement une des plus belles années de ma carrière jusqu’à aujourd’hui. Tant sur le plan humain que sur le plan sportif. J’ai eu la chance de faire partie des joueurs qui ont signé pro après avoir fait toutes mes gammes au FC Metz. J’ai d’excellents souvenirs de mes débuts en pro car j’étais l’enfant du club, toute ma famille et mes amis venaient me voir à Saint-Symphorien, donc le fait de débuter dans ces circonstances, ce fut une fierté pour moi, mais aussi pour le club, je pense. Arriver au club à 7 ans, avoir comme idoles Frédéric Meyrieu, Danny Boffin, Sylvain Kastendeuch ou Robert Pirès, et fouler cette pelouse, c’était extraordinaire comme sensations. J’avais ce club dans la peau et porter ce maillot en pro fut une grande émotion.
12 matches lors de votre première saison en pro, 11 lors de la deuxième, vous vous installez définitivement dans l’équipe en 2004. Quelle influence a eu Jean Fernandez dans votre progression ?
Il a été l’élément déclencheur du début de ma carrière. Jean Fernandez a été le premier à m’apprendre le métier. C’est lui qui est venu me chercher en équipe de jeunes pour m’intégrer dans le groupe pro, c’est lui qui m’a lancé la première fois dans le grand bain… je pense que je ne pouvais pas mieux tomber pour me communiquer cette passion du football, cette rigueur et les valeurs que véhicule ce sport. J’ai été un privilégié je pense.
En un mot, comment résumeriez-vous votre passage au FC Metz ?
Cela a été l’ascenseur émotionnel car j’ai connu de nombreuses choses à Metz. J’ai connu ce club en tant que supporter, en tant que joueur, j’ai vécu des descentes, des montées, j’y ai rencontré des entraîneurs charismatiques, des groupes difficiles à gérer… J’ai pris dix ans en trois-quatre ans car il s’est passé beaucoup de choses et j’ai appris en accéléré. J’ai également un très grand souvenir de mes six derniers mois à Metz avant de signer à Lille où l’on vivait quelque chose d’énorme tous ensemble, avec l’équipe, le coach, Francis De Taddeo, en Ligue 2. Ils ont vécu une année exceptionnelle et j’ai eu la chance d’y participer durant six mois.
Justement, ce transfert à Lille. C’était un départ inéluctable ?
J’ai senti qu’il était temps de partir et quand je regarde derrière moi, j’ai le sentiment d’avoir fait le bon choix. Partir en milieu de saison, c’était un vrai dilemme parce que j’avais envie de finir la saison avec les copains et j’aime bien finir ce que je commence, et puis il y avait la possibilité de participer à ce 1/8e de finale de Ligue des Champions que jouait Lille contre Manchester United en février. Lille, j’aurais pu y signer en fin de saison mais le fait de pouvoir participer à cette compétition a pesé dans la balance et, à l’époque, je pensais que c’était peut-être la seule chance que j’aurais de jouer la Ligue des Champions. J’ai un peu bataillé, mais le président et Francis De Taddeo ont été compréhensifs et ont compris ma démarche. Je suis parti en bons termes avec tout le monde.
Cinq ans au LOSC avec un statut d’indiscutable mais jamais appelé en équipe de France. Un regret ?
Non, je ne pense pas. Je crois qu’il y avait plus fort que moi à mon poste dans toutes les équipes de France dont j’aurais pu faire partie, tout simplement. Si je devrais avoir des regrets, c’est peut-être plus maintenant, il y a quelque temps, où la porte aurait pu s’entrouvrir pour moi mais au final, il n’y pas de regrets à avoir. Je pense être un bon joueur mais de là à avoir la carrure internationale, je ne pense pas.
Vous optez pour la sélection de Pologne. Un choix cher à votre histoire familiale…
C’était l’occasion de faire une pierre, deux coups. Il y avait l’Euro 2012 qui se profilait, mes grands-parents étaient d’origine polonaise et c’était l’occasion de leur rendre hommage en quelque sorte. Mais aussi d’intégrer une sélection nationale car cela fait partie de la vie d’un footballeur de vouloir porter un maillot d’une sélection. J’avais envie de connaître ces sensations-là.
Où en êtes-vous avec la sélection polonaise après votre décision de ne plus porter le maillot en mai dernier ?
J’ai décidé, effectivement, en mai, de ne plus porter le maillot polonais jusqu’à nouvel ordre car il y avait un problème d’ambiance, d’atmosphère avec les gens qui ont pris la tête de la Fédération, et j’ai senti une vraie gêne me concernant. Autant avant l’Euro, j’étais considéré par Grzegorz Lato – le président de la Fédération polonaise de football jusqu’en 2012 – et par Smuda – le sélectionneur – comme un Polonais à part entière et ils m’ont beaucoup soutenu, alors que l’équipe suivante (Boniek, président, et Fornalik, sélectionneur, NDLR), j’étais considéré comme un étranger. Je ne me suis plus senti à l’aise quand j’ai vu que les membres de la Fédé voulaient me mettre à l’écart. L’atmosphère était devenue malsaine donc j’ai décidé d’arrêter pour le moment. Le jour où les choses changeront, je reviendrai peut-être.
Après le doublé avec le LOSC, vous décidez de partir à Bordeaux pour avoir plus de temps de jeu. Pourquoi la Gironde ?
Parce que c’est le club qui s’est présenté quand j’avais besoin d’un nouveau challenge, et que je n’étais pas encore prêt pour partir à l’étranger. Les Girondins se sont manifestés avec un discours qui m’a plu et comme je marche à l’affectif, Bordeaux était, pour moi, le meilleur moyen de me relancer, de regagner du temps de jeu, de reprendre du plaisir et je pense avoir fait le bon choix.
Depuis un an, on vous annonce souvent sur le départ. Une rumeur vous a même envoyé en Bundesliga cet été. Quel est votre état d’esprit sur votre avenir à court terme ?
Je pense que c’est la prochaine étape pour moi. Je vais avoir 29 ans au mois de novembre donc je suis plus près de la fin que du début de ma carrière et que je dois aller au bout de mes envies de footballeur. J’ai fait pas mal de matches en Ligue 1, cela fait quasiment dix ans que je suis dans le circuit, j’ai gagné pas mal de titres… je pense que c’est le moment opportun pour découvrir autre chose. L’envie y est.
Photos : DR - Article publié le 21 novembre 2013