Jacques Songo’o : Histoire d’un Lion
Le dirigeant africain est parfois un éternel insatisfait. D’ailleurs, un proverbe camerounais dit : « Même le poisson qui vit dans l’eau a toujours soif ». Et Jacques Songo’o le vit aujourd’hui à ses dépens. Actuel adjoint du sélectionneur des Lions Indomptables, Volker Finke, chargé des gardiens de but, l’homme de 49 ans est la cible d’un homme, Joseph Owona, président du Comité de normalisation de la Fédération camerounais de football qui a fait du départ de Jacques Songo’o une affaire personnelle. Plusieurs fois, il a demandé la tête de l’entraineur national adjoint en charge de la préparation des gardiens de buts et a proposé qu’il soit remplacé par Thomas Nkono, un autre entraîneur des gardiens, qui a d’ailleurs déjà flirté avec l’équipe nationale dans ce même rôle. Le ministre des Sports, Adoum Garoua, agacé par la pression faite par le président du Comité de normalisation, a refusé de virer Jacques Songo’o au profit de Thomas Nkono. La position tranchée du ministre sur cette question n’a pas découragé Joseph Owona qui a juré de tout faire pour imposer Nkono, même s’il faut frapper à un très haut niveau. Quand la politique se mêle du sportif… Sauf improbable retournement de situation, l’ancien gardien de La Corogne et de Metz devrait logiquement accompagner les Lions Indomptables à la Coupe du Monde au Brésil cet été.
« Metz est le club de mon cœur »
Curieuse façon de procéder avec un homme qui a toujours été salué pour sa gentillesse et son professionnalisme, arrivé du Canon de Yaoundé en France en 1989, recruté par Rolland Courbis au Sporting Club de Toulon, où il restera trois saisons. Après une ultime saison en prêt au Mans, en Ligue 2, le portier de 29 ans signe au FC Metz pour devancer Philippe Flucklinger dans la hiérarchie des gardiens. Une aubaine pour le portier camerounais. « Le FC Metz m’a permis de devenir ce que je suis aujourd’hui, confie Jacques Songo’o. Grâce à la confiance des dirigeants et du président Carlo Molinari, j’ai pu vivre de grands moments de football. Metz reste le club de mon cœur. » Titulaire indiscutable durant trois saisons (120 matchs joués), l’international camerounais (46 sélections) participe même à la victoire en Coupe de la Ligue en 1996 aux dépens de Lyon. « Je me souviens très bien de notre victoire en Coupe de la Ligue, confirme le natif de Sakbayené. C’était un match très serré puisque nous sommes allés jusqu’aux tirs au but. J’ai réussi à repousser un penalty et j’en suis très heureux. Mais c’était avant tout la victoire de toute une équipe. » Le 18 mai 1996, après un ultime match au stade Saint-Symphorien face à Gueugnon (perdu 2-1), Jacques Songo’o prend son envol et quitte la Moselle pour la Liga espagnole. Le Deportivo La Corogne, vice-champion d’Espagne et vainqueur de la Coupe du Roi un an plus tôt, demi-finaliste de la Coupe des Coupes perdue face au Paris Saint-Germain, futur vainqueur de la compétition, recrute le gardien camerounais. « Je n’ai que des grands souvenirs d’Espagne, explique-t-il. J’ai vécu des grands moments et j’ai pu côtoyer le haut niveau, en évoluant dans l’un des meilleurs championnats du monde. J’ai aussi eu la possibilité de disputer la Ligue des Champions et j’ai été élu à deux reprises meilleur gardien de la Liga. Pour moi, ce n’était que du bonheur. »
« Une belle échéance à vivre dans quelques mois »
Champion d’Espagne en 2000, à une époque où le Barça et le Real ne trustaient pas encore les titres de champion, La Corogne profite de son portier camerounais pour faire des étincelles en Liga, porté par les Brésiliens Rivaldo, Djalminha ou encore Mauro Silva. Vainqueur de la Supercoupe d’Espagne face à l’Espanyol Barcelone en 2000, Jacques Songo’o quittera la Galice en 2001, en fin de contrat. « J’avais des propositions de clubs étrangers. Mais le discours de monsieur Molinari m’a séduit. Je me suis dit que cela pouvait être très fort de revenir à Metz. Et j’ai voulu essayer une nouvelle aventure. C’était aussi une façon de remercier Carlo Molinari et le club, avec lesquels j’avais fait de belles choses. » À son retour, Songo’o découvre une équipe de jeunes talents. Mais encore novice. Son expérience du haut niveau va faire de lui le grand frère auprès des ces jeunes (Johan Liébus et Ludovic Butelle), rôle qu’il assume parfaitement. « C’était mon devoir, affirme l’ancien joueur du Canon de Yaoundé. Je me devais de conseiller, d’aider les plus jeunes et de leur apporter du soutien quand ça va mal. » Auteur de 28 matchs en 2001-2002, il sera supplanté par la doublette Butelle-Agassa la saison suivante en Ligue 2. « Je pense à l’équipe avant tout, précise-t-il à l’époque. Et puis, un seul joueur ne fait pas tout. Ça ne me dérange donc pas du tout. Au contraire, ça ne m’apporte que du bonheur car je ferai partie des joueurs qui auront fait monter les Grenats en L1. » Une dernière année à La Corogne en 2003-2004 et l’inusable gardien camerounais, double vainqueur de la Coupe d’Afrique des nations (1988 et 2002), et participant à quatre phases finales de Coupe du Monde (1990 et 2002 en tant que remplaçant, et 1994 et 1998 sur le terrain), devient entraîneur des gardiens pour sa sélection. Aux côtés de Paul Le Guen, puis de Javier Clemente, Denis Lavagne et Jean-Paul Akono, c’est avec l’Allemand Volker Finke que Songo’o travaille aujourd’hui. « L’entraîneur des gardiens de buts, c’est une formation spécifique. On ne s’improvise pas coach des gardiens de buts. Ce retour me fait énormément plaisir et je suis content parce qu’on m’a renouvelé cette confiance. L’ambiance est bonne, nous avons un bon effectif pour travailler, on a des joueurs de qualité, c’est un groupe équilibré, à nous de travailler parce qu’on a une échéance importante qui nous attend dans quelques mois, je crois qu’il faut que les Camerounais soient derrière leur équipe pour nous aider à mieux nous exprimer. » Pas sûr que Joseph Owona l’entend de cette oreille…
Photos : DR - Article publié le 2 mai 2014