Flashback : Rigobert Song
Décembre 2012, Yaoundé. Rigobert Song donne le coup d’envoi de la finale de la Coupe du Cameroun en tant que Team Manager des Lions Indomptables. Chargé de trouver des joueurs susceptibles d’être sélectionnable à travers toute l’Europe, « Rigo » n’en oublie pas pour autant ses racines et son pays. Et c’est dans le mythique club du Tonnerre de Yaoundé que tout a commencé, il y a 20 ans.
Début des années 90, le Tonnerre de Yaoundé met fin à presque dix ans de règne sans partage, ou presque, sur le championnat national. Un règne qui a vu la formation camerounaise remporter, entre 1980 et 1992, cinq titres de champion, disputés sans relâche face à l’ennemi juré, le Canon de Yaoundé. Le duo Canon-Tonnerre domine le football camerounais et sort tour à tour les futures pépites du football africain : François Omam-Biyik, Jacques Songo’o, Marc-Vivien Foé côté Canon, Roger Milla, George Weah ou Japhet N’Doram au Tonnerre. C’est donc au Tonnerre (aujourd’hui baptisé Tonnerre Kalara Club de Yaoundé, et actuellement en D2 camerounaise) que le jeune Rigobert Song Bahanag (son nom complet), 16 ans, fait ses premiers pas dans un club phare du pays. Formé quatre ans durant à l’École de football des Brasseries du Cameroun, « Magnan », comme l’appellent affectueusement ses fans, avait commencé sa carrière au Red Star de Bangou (club du championnat régional de l’ouest du pays), puis au Tonnerre de Yaoundé à partir de 1992. Il a alors à peine 18 ans lorsque le jeune défenseur, originaire de Nkenglickock, traverse la méditerranée pour tenter sa chance en Europe. Et c’est Metz, et son flair indéniable à cette époque, qui hérite de la pépite aux dents longues. « Alors qu’il s’apprête à disputer sa première Coupe du Monde à 17 ans et demi seulement avec le Cameroun, son oncle envoie une lettre au FC Metz. Ce courrier a suscité ma curiosité, raconte Joël Muller, à l’origine directe de sa venue en Moselle. Notre gardien de l’époque, Jacques Songo’o, était également le portier des Lions Indomptables. Je l’ai alors appelé pour en savoir plus sur Rigo car un joueur si jeune qui dispute la Coupe du Monde avec le Cameroun, qui était à ce moment-là une équipe très compétitive, c’était une occasion à ne pas laisser passer. »
Indiscutable à Metz, discuté à Liverpool
Il ne tardera d’ailleurs pas à gagner sa place dans le onze type de l’entraîneur grenat. Il fait ses débuts lors de la 7e journée face à Lille en entrant à la 79e minute de jeu. Il est titulaire à la 10e journée à Rennes et ne quittera plus l’équipe-type de Joël Muller durant ses quatre années à Metz. « C’est un garçon qui n’a peur de rien, c’est un vrai guerrier qui met beaucoup d’agressivité dans les duels et tout cela sans être violent, ni méchant. C’est un vrai défenseur central avec un bon jeu de tête et en dehors du terrain c’est une personne très attachante qui est toujours d’humeur égale. »« Je me souviens très bien de son arrivée au club, renchérit Albert Cartier, stoppeur au moment de l’arrivée de Song à Metz, en 1994. Il a très vite fait sensation par sa puissance, sa fougue et son envie de réussir. Il avait les dents longues mais dans le bon sens du terme. Il était ambitieux et était conscient de son potentiel. La suite lui a donné raison. » C’est d’ailleurs dès la saison suivante, en 1995-1996, après la retraite sportive de Cartier, que Rigobert Song s’installe définitivement au poste de défenseur central aux côtés de Sylvain Kastendeuch. En quatre ans, le Lion indomptable participe à la meilleure période de l’histoire du club, cumulant pas moins de 146 matches officiels sous le maillot messin (4 buts), et obtenant une coupe de la Ligue en 1996 et un titre de vice-champion de France en 1998. Marquant ainsi au fer rouge son passage en Moselle. « La ville a changé, les gens ont changé, mais je ne passe toujours pas inaperçu dans la rue, a-t-il raconté dans les colonnes du Républicain Lorrain en mai dernier, lors du passage de la sélection camerounaise en stage à Metz. Les Messins me parlent toujours de cette époque où on est devenu vice-champion de France. Et encore plus aujourd’hui avec ce qui est arrivé au club. » En 1998, « Rigo » rejoint le club italien de la Salernitana durant la seule saison du club en Série A de son histoire, puis signe à Liverpool, en Premier League. Un passage sur les bords de la Mersey marqué par de nombreux accrochages verbaux avec le défenseur anglais Jamie Carragher. Dans son autobiographie « Carra », Carragher raconte : « Song marchait sur le terrain d’entraînement avec un sourire sur son visage et se moquait de moi en français. La première occasion que j’ai eue, je l’ai taclé avec grand appétit, et je lui ai dit : « Tu n’es pas mort de rire maintenant ? » » La cohabitation est difficile et Song quitte les Reds au bout d’une saison pour West Ham. Puis il découvre l’Allemagne (Cologne), revient en France à Lens à la demande de Joël Muller, alors coach des Sang et Or, et termine sa carrière en Turquie (Galatasaray avec lequel il remporte deux titres de champion puis Trabzonspor), en 2011.
Objectif pour les Lions : Rio en 2014
Avec les Lions Indomptables du Cameroun, avec lesquels il est le recordman de sélections (137 capes), il remporte deux coupes d’Afrique des Nations (2000 et 2002), participe à quatre coupes du monde (1994, 1998, 2002 et 2010) et reste l’un des plus jeunes camerounais à avoir participé à une coupe du monde (17 ans en 1994). Intronisé Team Manager en janvier 2012, contre toute attente par les administrateurs de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), après avoir reçu l’onction du ministre des Sports, Rigobert Song aura pour fonction de coordonner l’organisation administrative au sein de la tanière. « C’est lui qui prépare les convocations, s’assure que les conditions d’intendance sont réunies, prépare avec les joueurs et les voyagistes les plans de vol en coordination avec le capitaine et le coach », explique Junior Binyam, responsable du département de la communication à la Fecafoot. Par ailleurs, il « assiste aux réunions techniques. Lors des compétitions finales, il s’assure des disponibilités de terrain d’entrainement et il est l’interface avec les comités d’organisation ou les fédérations hôtes », ajoute Junior Binyam. Rien à voir donc avec le poste de manager ou coordonnateur général des sélections nationales promis à Patrick Mboma, autre ancien messin. Un rôle en phase avec sa connaissance du football mondial. « Le sélectionneur Jean-Paul Akono et moi avons effectué il y a quelque temps une mission, notamment du côté de l’Angleterre où nous devions voir Benoît Assou-Ekotto et David N’Gog. Nous les avons rencontrés et nous avons longtemps discuté avec eux. Les résultats de cette mission de prospection sont positifs. Il y a eu un dialogue entre eux et nous, et à mon avis cela signifie que nous sommes sur la bonne voie. » Non qualifié pour la CAN 2013, le Cameroun est à la recherche d’un second souffle. « Je crois que d’ici quelque temps, on aura l’occasion de voir des joueurs qui étaient là et qui avaient disparu revenir au sein de la sélection. On aura également des nouveaux joueurs. Pour qu’on ait toutes les chances de notre côté, afin de pouvoir se qualifier pour la Coupe du monde. » Rigobert Song est donc retourné dans la « tanière » (surnom de la sélection au pays), en janvier 2012, 17 mois après l’avoir quittée de manière presque anonyme. Il avait alors tourné une page de 16 ans de bons et loyaux services, dont 10 comme capitaine. À 36 ans, la route de Rigobert Song est loin d’être terminée.
Photos : DR - Article publié le 16 mars 2013