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Femmes de joueurs : L’amour et rien d’autre ?

On les imagine oisives, arpentant les boutiques avec l’argent de leur joueur de mari, s’affichant fièrement en tribune comme « femme de ». Erreur : épauler un footballeur est un métier à plein temps nourrit de nombreux sacrifices. Si certaines femmes de joueurs ont jeté l’opprobre sur ce rôle si singulier, les autres luttent assidument contre cette image de femme-objet attirée par l’argent facile. On casse le mythe. Enquête.

Dans le monde du football, on les surnomme les « Wags » (pour « Wives and Girlfriends »). En France, on se contente de les appeler « femmes de footballeurs ». Certaines ont craqué sur eux avant la reconnaissance et les contrats à sept chiffres, d’autres les ont séduits bien après. Mais qui sont finalement ces femmes discrètes, influentes et toujours présentes dans les stades pour soutenir leurs hommes ? « Nous sommes des femmes comme les autres, précise d’emblée Alicia, 26 ans, compagne de Yeni Ngbakoto. Nous ne sommes pas des fans de football prêtes à tout pour partager la vie d’une personnalité de la région. Pour nous, c’est un pur hasard. » « J’ai rencontré Johann au collège à Saint-Rémy-de-Provence, ajoute Virginie Carrasso. Inutile donc de vous préciser qu’on était encore loin de la carrière professionnelle (rires). » Loin du strass et des paillettes des stars du ballon rond, la plupart des femmes de footballeurs doivent endurer l’image désastreuse de ce rôle si particulier, saccagée par l’affaire « Zahia » et écornée par les agissements excessifs des Victoria Beckham ou Irina Shayk – madame Cristiano Ronaldo –, à peine redorée par la série britannique « Footballer’s Wives », un carton outre-Manche, mais passée totalement inaperçue dans notre chère patrie (diffusion sur M6 entre 2005 et 2009). « L’image véhiculée par les femmes de footballeurs est désastreuse, souligne Maïtena, la compagne de Jérémy Choplin. Quand j’ai commencé à fréquenter Jérémy, certaines personnes de mon entourage ont eu des propos très négatifs sur la situation », « l’affaire Zahia faisait la Une des journaux quand j’ai commencé à fréquenter Yeni, ajoute Alicia. C’est surtout l’image des footballeurs qui en a pris un coup à ce moment-là. » « « Toutes les femmes de footballeurs sont cocues » m’a-t-on dit, sourit Maïtena. Cette image ne changera jamais. Tant que les frasques des joueurs seront médiatisées, il n’y a aucune chance que cela change. On n’y prête pas attention outre mesure. »

Profession : femme de footballeur ?

On les imagine volontiers inactives, les lèvres « so glossy », le cheveu brillant et plus facilement adeptes de « Secret Story » que de « Secrets d’Histoire ». Et ce n’est pas Émilie Nef Naf, révélée dans l’émission de téléréalité de TF1, et compagne de Jérémy Ménez, le joueur du Paris Saint-Germain, qui pourrait nous contredire. Mais pourquoi autant de clichés sur ces fantasmes des temps modernes ? « On envie leur statut parce qu’à 22 ans, elles conduisent de chouettes cabriolets, portent des Louboutin et arborent des sacs à 5 000 euros, remarquait Pierre Ménès, figure du « Canal Football Club », sur Canal+, dans les colonnes de L’Express récemment. Je ne les plains pas, mais elles doivent aussi faire preuve de dévotion. » Selon lui, « le cœur de la machine, c’est le corps et le mental de leur conjoint. Elles doivent donc surveiller ce qu’il mange, s’il se repose suffisamment, même quand le couple a un bébé, et éviter que son esprit ne soit pollué par les menus détails de la vie quotidienne ». « Nous ne vivons pas dans le même monde que les femmes des joueurs internationaux tout de même, nuance Virginie, belle-sœur de l’international Cédric Carrasso. On nous voit comme des femmes privilégiées avec la belle vie mais ce n’est pas tout à fait vrai. Tout n’est pas rose non plus. Le changement de région, quitter son travail et se refaire un réseau professionnel, être dépendante de la vie de l’autre, vivre les désarrois de son homme, être souvent seule, s’occuper seule des enfants avec tout ce que cela comporte, il faut être mentalement prête à affronter tout ça. On a un vrai rôle à jouer sur la carrière du joueur. On ne se plaint pas mais on est très loin des clichés et les fantasmes qu’entourent les femmes de joueurs. » Un travail d’accompagnement qui oblige, parfois, les femmes à mettre leur vie professionnelle de côté pour pouvoir soutenir la carrière de leur mari. Mais pas tout le temps. « Je n’ai pas arrêté de travailler quand je me suis mise en couple avec mon copain, note Barbara, la compagne de Thibaut Bourgeois. La vie ne s’arrête pas quand on partage la vie d’un footballeur professionnel. » « Je n’ai pas fait cinq ans d’études pour rien, ajoute Alicia. Je compte bien continuer de travailler, peu importe la carrière de Yeni. » « C’est important d’avoir son activité propre pour se raconter chacun sa journée », renchérit Maïtena. On est donc bien loin de la méthode Zlatan : « Ma femme n’a rien à voir avec mon football. Elle reste à la maison pour s’occuper de mes enfants. C’est la seule chose dont j’ai besoin. »

Un équilibre primordial pour réussir une carrière ?

Et si finalement, c’était les footballeurs qui auraient plus besoin des femmes que le contraire ? « L’entourage du joueur est primordial, constate Albert Cartier, l’entraîneur grenat. Un joueur bien chez lui et bien dans sa tête ne pourra que se concentrer à 100 % sur son métier. Les joueurs qui papillonnent sont plus instables, sportivement parlant. » Alex Ferguson, à Manchester United, menait des enquêtes sur les futurs joueurs qu’il souhaitait acquérir, notamment sur sa vie de couple, Luis Fernandez, au Paris Saint-Germain tranchait toujours pour l’homme marié avec des enfants pour s’assurer de son « équilibre psychologique ». « Quand vous avez quelqu’un sur qui vous reposer, c’est plus facile pour aborder les périodes compliquées », ajoute Albert Cartier. « La femme est très importante dans la carrière du joueur, complète Virginie Carrasso. Elle lui permet de se stabiliser et donne un avis objectif sur la situation. Avec Johann, on parle de ses choix sportifs et j’ai une influence sur ses décisions. »  Si les femmes des joueurs ne peuvent pas permettre à leur équipe de marquer un but de plus, leur rôle en interne est capital. Exemple en 2002. Dans une interview au journal L’Equipe, Roger Lemerre, ex-sélectionneur des Bleus, était revenu sur les raisons du fiasco lors de la Coupe du monde en Corée du Sud (élimination au premier tour) : « Ce qui a changé : c’est qu’entre 1998 et 2002, les couples se sont lézardés. J’ai mal intégré cette dimension. En 1998, l’harmonie des familles existait. En 2002, il nous a manqué un leader chez les femmes, ce qu’était Adriana Karembeu. En Corée, elle n’était pas là (Christian n’était pas sélectionné pour le Mondial, NDLR). On faisait venir les femmes pour briser les tensions entre les joueurs, mais s’il fallait aussi briser les tensions entre les femmes… » Sans Adriana Karembeu, certaines compagnes l’ont joué perso.

Les femmes comme bouc émissaire ?

On a beau louer l’importance des femmes dans la vie de leur mari, femme de footballeur est une tâche délicate. Les médias britanniques ne sont pas tendres avec celles qui, selon eux, sont soient « rivales, pimbêches, dépensières ou absentes ». Quoi qu’elles fassent, elles seront critiquées. Pour The Guardian« le cliché à propos des femmes de footballeurs veut qu’elles forment le troupeau d’un fond de bus scolaire, le côté manucuré en plus, et qu’elles dépensent le PIB de l’Équateur dans une session shopping de deux heures ». D’après The Daily Mail, des personnalités anglaises ont conclu que « la responsabilité de la piteuse élimination anglaise en quart de finale du Mondial 2006 tenait autant des dribbles de Cristiano Ronaldo que des dérapages en tous genres des Wags ». Le défenseur central de Manchester Utd, Rio Ferdinand, ne disait pas autre chose dans The Daily Telegraph : « C’était le cirque, le football était devenu secondaire. » Femme de footballeur, bouc émissaire ou réel danger ? « Beaucoup de choses sont dites sur les femmes de joueurs, peu de choses sont vraies selon moi, explique Maïtena. Certes le football draine énormément d’argent dans certains clubs, et du coup, l’amalgame est vite fait avec l’attirance des femmes pour l’argent des footballeurs. Mais je trouve tout ça démesuré. »

Figure maternelle et repère affectif

À la petite échelle de la Ligue 2, les lois ne sont pas les mêmes. Bien que le salaire moyen d’un joueur de Ligue 2 est de 16 000 euros (chiffres 2012), on est bien loin des Ferrari et des trois villas à Miami. Mais pour le grand public, toutes les femmes sont à mettre dans le même panier. À tort. « Quand j’ai rencontré Jérémy, il jouait à Bastia en National, raconte Maïtena. Je ne connaissais pas son train de vie et ce n’était pas ça le plus important. Et ça, certaines personnes n’y croient pas. » « Pour ma part, je ne savais même pas qu’il y avait un club de football professionnel à Metz, sourit Barbara. Je n’y connaissais rien en matière de football et quand Thibaut m’a raconté son métier, cela n’a rien changé. C’était un métier comme un autre pour moi. » Personne pour croire à la rencontre fortuite, au coup de foudre, à l’unique pouvoir du charme ? La plupart des joueurs de foot ont commencé le football très tôt, à l’âge de 11-12 ans, au centre de formation, souvent loin de chez eux, avec une adolescence sacrifiée sur l’autel de la compétition et de la réussite sportive. Une jeunesse tronquée sans vraiment l’occasion de faire des rencontres, de flâner avec les copains et d’aller en soirée. Résultat, beaucoup d’entre eux, en manque de repères affectifs, voire de figure maternelle, se casent rapidement. Leur première copine, une amie d’enfance parfois, peut alors devenir leur pilier, la figure toute-puissante d’un foyer dans lequel les enfants arrivent vite aussi. « Tout s’est fait assez hâtivement, corrobore Alicia. Cela fait deux ans que nous sommes ensemble et nous souhaitions rapidement fonder une famille avec Yeni. Ce projet de famille nous tenait vraiment à cœur. » Virginie et Johann Carrasso, tous deux âgés de 25 ans, sont déjà mariés et les heureux parents de deux enfants. Douce image d’Épinal ? Définitivement non.

Photos : Moselle Sport - Article publié le 7 février 2014

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