Centre de formation : Des garçons pleins d’avenir ?
Réputé pour sa formation, le FC Metz est, depuis quelques années, rentré dans le rang. Pointant, en fin de saison dernière, à une décevante 15e place dans le classement des clubs professionnels, Metz veut réagir. Si le club mosellan peut se targuer d’avoir sorti par le passé des joueurs brillant aujourd’hui dans les grands clubs européens (Pjanic, Mané, Koulibaly, Cornet), il vit également une traversée du désert, que le seul Ismaïla Sarr, vendu à Rennes l’été dernier, ne peut à lui-seul contester. Reportage.
Il n’y a pas de fumée sans feu. En recrutant 14 joueurs cet été, le FC Metz s’est à la fois renforcé pour affronter la saison de Ligue 2 mais a aussi comblé un manque important que le centre de formation n’a pu satisfaire. Aujourd’hui, la machine à former déraille. Bernard Serin l’a compris et a effectué de profonds changements dans la structure de formation messine. En nommant Olivier Perrin à la place de Denis Schaeffer à la tête du centre de formation du FC Metz, il a montré son mécontentement, né principalement de la descente de la réserve en Régionale 1 (anciennement DH) l’été dernier. Mais aussi de l’incapacité récurrente de sortir des joueurs pour jouer en L2/L1. « Former des joueurs capables de jouer en Ligue 1 reste notre priorité absolue, atteste Pierre Gillet, président de l’association FC Metz. Aujourd’hui, nous souffrons de ne pas assez le faire et c’est dans cette logique qu’Olivier Perrin a été nommé, ce n’est pas une démarche anodine. » Patron de Génération Foot à Dakar (Sénégal) depuis plusieurs années, Olivier Perrin arrive surtout pour relancer une machine enrayée et pour restructurer un centre qui a dégringolé au classement des centres de formations professionnels, perdant 9 places en une saison (!!), et se faisant rattraper par le rival nancéien, et doubler par Auxerre, Sochaux, Le Havre ou Lens. « Ce classement est un indicateur important dans le processus de formation, explique Olivier Perrin. Il faut améliorer ce classement, mais il faut aussi souligner que la Direction technique nationale, qui établit ce classement, ne prend pas en compte notre partenaire Génération Foot, qui nous fournit des joueurs et que nous formons à travers la structure à Dakar. » Ismaïla Sarr, dernier né de la formation Génération Foot, qui s’ajoute à Diafra Sakho, Sadio Mané, Habib Diallo et autres Ibrahima Niane, sont les héritiers des générations passées, qui voyaient les Obraniak, Béria, Bong, Butelle, Pjanic, ou Bassong s’envoler vers de plus grands clubs à l’issue de leur passage avec les pros messins. Le dernier joueur parti vers des cieux plus bleus est Maxwel Cornet, génération 1996, et c’était il y a trois ans. Une éternité dans la politique messine. Des raisons à cela ? « La France a une culture de la formation très importante, indiquait récemment Francis Cagigao, scout pour Arsenal depuis 15 ans, dans les colonnes de So Foot. Il y a une tradition qui fait qu’elle sort constamment de très bons joueurs. Il y a toujours eu une tradition du jeu dans votre pays, mais après les succès de 1998 et 2000, tout a été chamboulé. À partir de ce moment-là, la formation à la française a exagérément été axée sur le physique, au détriment de la technique. Si la génération de jeunes français est moins bonne aujourd’hui, c’est à cause de cette politique. Résultat : vous avez toujours de bons joueurs, mais beaucoup moins qu’il y a 10 ou 20 ans. La France a la chance d’être un pays cosmopolite et métissé. Je pense néanmoins que la formation française a mal géré le cas des jeunes joueurs d’origine africaine. Elle a énormément misé sur le physique de ces jeunes sans vraiment se préoccuper du reste. On a réduit certains jeunes à leur physique, alors qu’ils avaient peut-être le potentiel pour devenir de très grands techniciens. C’est vraiment dommage. Aujourd’hui, vous êtes dans le dur, mais ça ne sera pas le cas indéfiniment. » L’exemple du gros raté Michel Platini à Metz résonne dans les propos du recruteur des Gunners. Mais pas seulement, une autre star des Bleus aurait pu commencer sa carrière dans les rangs messins. Antoine Griezmann. « Je me rappelle que Metz nous avais promis que j’allais signer chez eux et que mon père aurait un train tous les soirs pour aller de Mâcon à Metz, avait raconté l’attaquant de l’Atletico Madrid dans les colonnes de l’Équipe. Et finalement, ils nous ont appelés une semaine plus tard pour nous dire qu’en fait non. Ils ont dit : »On ne va pas prendre votre fils parce qu’il est trop petit ». C’est le coup qui m’a le plus marqué parce qu’on m’avait dit que c’était fait. Je n’en ai pas pleuré mais je l’ai mal vécu. J’avais 13-14 ans. » Pendant longtemps, l’Espagne a été jalouse du potentiel physique des joueurs français. Aujourd’hui, la donne a changé. Le physique seul n’a plus voix au chapitre. Retour aux fondamentaux.
« Pour certains, réussir est une obsession »
La formation est une question bien épineuse. Si bien des clubs considèrent la formation comme une usine où l’on fabrique des produits ou des clones, certains autres ont décidé de prioriser sur l’humain. Sur quelle politique de formation misent les clubs ? En Espagne, le pari est clairement établi sur un prototype de footballeurs techniques, intelligents dans le jeu, avec une perspective à long terme. En France, qu’en est-il aujourd’hui ? « À Metz, nous avons eu besoin de régénérer notre système de formation en installant d’anciens pensionnaires à la tête d’équipes de jeunes : Grégory Proment (réserve) et Sylvain Marchal (U17), ajoute Olivier Perrin, le directeur du centre de formation grenat. Deux formateurs qui ont la fibre grenat, c’est une bonne chose pour tout le monde et cela va permettre aux pensionnaires actuels de se rendre compte de l’importance de leur présence ici. » De jeunes apprentis footballeurs déjà concentrés sur leur volonté de devenir un jour professionnel, et qui redoublent d’effort pour y parvenir, comme nous le raconte Michel Weiss, journaliste à ViàMirabelle, la chaîne de télévision locale, et qui a suivi les jeunes du centre de formation durant un an pour le compte de son documentaire « À l’école du Graoully » : « On ne se rend pas compte de la difficulté des joueurs dans leur formation. On entend souvent que ce sont de jeunes privilégiés. C’est vrai mais cela résulte aussi d’un travail acharné tous les jours, entre les cours pour arriver à l’obtention finale du baccalauréat et les séances d’entraînement tous les jours. Ils font le deuil de leur adolescence pour axer leur vie actuelle sur la performance. »
Beaucoup de candidats pour très peu d’élus. « Quand tu es dans un centre de formation, tout est mis en place pour que tu te sentes le mieux, concède Belmin Muratovic, ancien pensionnaire du centre, non conservé l’été dernier, aujourd’hui à Niederkorn (Luxembourg). Ils insistent beaucoup sur le double projet études-football pour être sûr de ne pas te laisser sans rien si tu ne signes pas professionnel. Ils ne laissent rien au hasard. » Une volonté supplémentaire de ne pas laisser l’humain de côté, tout en rassurant les parents. « On ne cache pas la difficulté du métier à ces jeunes joueurs encore adolescents, ajoute Raphaël Roncen, agent de joueur, et conseiller de Vincent Collet, actuellement au centre de formation messin. Les jeunes joueurs ont besoin d’être encadrés, soutenus tout en ne bouleversant pas ses habitudes liées à son jeune âge. Il faut lui apporter son expertise tout en respectant ses envies, c’est mon rôle. » « Signer professionnel au FC Metz était devenu une obsession pour Nicolas Basin (aujourd’hui pro et prêté à Avranches, NDLR), note Michel Weiss. Quand il jouait, on avait l’impression qu’il jouait sa vie pour obtenir le précieux sésame et réussir. Blessé, il voulait aller plus vite que le musique pour rejouer le plus rapidement possible, parfois au détriment de sa santé. Pour certains, réussir est une obsession. » L’impatience comme principal fléau du jeune footballeur. « C’est générationnel, ajoute Raphaël Roncen. C’est exacerbé dans le football, évidemment. Il faut les tempérer justement. Sinon, le retour de bâton peut faire mal. »
Sébastien Muet, directeur technique du centre de formation du FC Metz
« Ils ne se rendent souvent pas compte de la chance qu’ils ont d’être là »
Quel est votre rôle au centre de formation du FC Metz ?
Je m’occupe de la coordination des planifications des entraînements, de la catégorie U9-U10 jusqu’aux U20, de l’harmonisation des charges de travail, de la mise en place technique du centre et du développement des projets individuels, à travers l’individualisation du travail de chaque joueur, pour l’amener vers la possibilité de jouer en jour en Ligue 1, tout en respectant un schéma scolaire cohérent. Le fameux double projet que le FC Metz mène depuis de très nombreuses années.
Le club subit, depuis quelques années, un trou générationnel. Comment l’expliquez-vous ?
C’est vrai que nous vivons une période où il y a moins de joueurs qui finissent dans le groupe professionnel du FC Metz. Il y a une remise en question, un travail de réalisé dans la gestion de la détection par rapport à la concurrence, qui passe par un maillage plus pointu de notre territoire, et l’arrivée d’Éric Atta, en tant que directeur du recrutement du centre de formation, va dans ce sens. Il ne faut pas avoir peur de dire, aujourd’hui, que l’on va tout faire pour faire réussir un joueur plutôt qu’une équipe, durant la formation. On doit certes s’appuyer sur la culture de la gagne, mais la mission de projet individuel est mise en priorité aujourd’hui.
Le partenariat avec Génération Foot amène des joueurs intéressants (Ismaïla Sarr, Habib Diallo ou Ibrahima Niane dernièrement) depuis trois ans. Cela fait-il de l’ombre aux locaux ?
Je ne peux pas le croire. On est qu’un club ! Ce qui se fait à Dakar se fait à Metz, Génération Foot et le FC Metz, ce sont les mêmes préceptes de formation, la même politique. On a besoin de bons joueurs qui fassent gagner des matchs au FC Metz. Peu importe d’où ils viennent ! On ne va pas les opposer, mais les associer. La seule différence est l’attitude. Les Sénégalais arrivent en France avec une envie de réussir importante. Servons-nous de cela pour le transmettre à nos joueurs. En plus de Dakar, on aura bientôt des joueurs qui arriveront de notre future école de football de Seraing (Belgique). Il faut être à la hauteur de nos ambitions.
Cela fait 21 ans que vous êtes au club. Qu’est-ce qui a changé fondamentalement chez les jeunes apprentis footballeurs ?
L’entourage… (il se reprend) il faut plutôt dire l’environnement du joueur. À une époque pas si lointaine, nos seuls interlocuteurs étaient les parents du jeune joueur. Aujourd’hui, à 15 ans, certains ont déjà un agent, un conseiller, un avocat… Ça se complexifie, il faut bien connaître cet environnement pour ne pas « perdre » le joueur. On a parfois des bons parents et des bons agents. Mais pas tout le temps…
Le football est-il devenu un métier ou reste-t-il une passion pour ces jeunes ?
La passion se perd. On ne peut le nier. C’est désolant car une partie de notre rôle consiste à intéresser les joueurs à leur club formateur ! On doit réfléchir à des méthodes pour les faire venir au stade Saint-Symphorien pour voir les pros ! Ils ne vivent pas football pour certains. On leur répète sans cesse qu’ils sont des veinards ! Qu’ils ont une chance d’enfer d’être en centre de formation. Ils ne se rendent souvent pas compte de la chance qu’ils ont d’être là. J’ai peur que nos joueurs deviennent tristes. C’est pour cette raison que l’on travaille sur un projet commun partagé. On les entoure de formateurs passionnés, anciens joueurs du centre de formation qui plus est, il faut que le foot redevienne un plaisir. C’est en train de changer, petit à petit.
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C’est le nombre de joueurs du groupe professionnel, formés au club, et utilisés en Ligue 2 par Frédéric Antonetti. Il s’agit de Matthieu Udol, Habib Diallo, Gauthier Hein et Ibrahima Niane. Si Niane et Diallo arrivent de Génération Foot (Sénégal), Udol (Metz) et Hein (Thionville) sont des Mosellans pure souche.
Photos : DR - Article publié le 9 janvier 2019