Moselle Sport, votre mensuel n°1 sur le sport mosellan

Carlo Molinari, souvenirs, souvenirs…

Président durant 37 années, Carlo Molinari ouvre avec nous le livre des souvenirs et nous fait rentrer dans les coulisses du club à la croix de Lorraine et nous confie quelques secrets de fabrication. Entretien.

En plus de 35 ans de présidence du FC Metz, vous avez vécu de grands moments. Quel regard vous avez sur votre parcours ?

C. M. : Ce que je retiendrais de mes 37 ans de présidence, c’est que j’ai eu la chance de rencontrer des hommes importants, des personnalités attachantes, qui m’ont façonné, quelque part. Car il ne faut pas oublier que j’étais très jeune au départ, j’étais un président de Division 1 de 34 ans, et j’avais des joueurs dans mon effectif qui étaient plus âgés que moi. Cela m’a aussi permis de connaître de gens de grande qualité comme Jean Sadoul, Jacques Georges ou Henri Germain pour ne citer que ceux-là et à leurs contacts, j’ai beaucoup appris.

De nombreux joueurs ont porté le maillot à la croix de Lorraine. Vous avez toujours eu le nez fin en matière de recrutement en allant chercher des quasi-inconnus pour les faire exploser en Division 1. Vous souvenez vous particulièrement d’un transfert épique ?

C. M. : Les transferts sont rarement quelque chose d’aisé et souvent plein de rebondissements. Je dirais que parmi les arrivées les plus épiques, il y a celle d’Hugo Curioni en décembre 1974. À l’époque, l’entraîneur en place, René Vernier, et moi, avions passé un coup de téléphone à José Arribas, le coach nantais pour connaître son avis sur Curioni, qui jouait à Nantes depuis un an. Et Arribas nous avait dépeint un tableau pas très florissant sur son attaquant qui n’avait pas réussi à se fondre dans le collectif nantais. Et malgré les réticences que partageaient René Vernier et José Arribas, j’ai décidé de tenter le coup de poker en le signant au mercato hivernal. Il a connu des débuts très compliqués – ne marquant aucun but lors de ses quatre premiers matchs – en étant très maladroit et je doutais de plus en plus de mon choix. Et puis, lors d’un déplacement chez le leader monégasque, il a inscrit un but extraordinaire d’une magnifique reprise de volée et ce fut pour lui le déclic. Il ne s’est plus arrêté de marquer (16 buts lors des 20 matches suivants) ensuite. Puis il a été le grand attaquant que l’on connaît (59 buts en 109 matchs à Metz). Un coup de poker payant au final (sourire).

Pouvez-vous nous raconter un gros transfert qui a failli se faire au FC Metz ?

C. M. : À la fin des années 90, je m’étais déplacé à Anvers pour rencontrer le propriétaire de l’Excelsior Mouscron, club propriétaire des frères Mpenza, Émile et Mbo. J’avais vraiment flashé pour ces deux jeunes joueurs, internationaux belges, et j’avais donc demandé au président de leur club le montant exigé pour acheter les frères. Je me souviens avoir eu l’accord des deux joueurs pour venir mais le président du club demandait une somme exorbitante pour Émile et Mbo Mpenza. Une somme qu’il n’a jamais obtenue d’ailleurs par la suite, en les vendant au Standard de Liège. Je suis déçu car ces deux joueurs n’ont pas fait la carrière qu’ils méritaient derrière et peut-être qu’en passant par Metz, je pense que cela aurait été une grande réussite.

Asanovic, Kurbos, Song, Mondragon, Songo’o, Ribéry ont le point commun d’être de grands inconnus au moment de signer au FC Metz avant d’éclore sous le maillot grenat. Le réseau de recrutement n’était pas aussi élargi qu’aujourd’hui, comment se déroulaient les arrivées de ces joueurs ? Comment les repériez-vous ?

C. M. : C’était une époque très différente, il n’y avait pas ou peu d’agents donc cela facilitait les contacts qui se faisaient que de clubs à clubs sans passer par des intermédiaires. André Watrin, qui s’occupait du recrutement à cette époque, avait comme point de repère, au moment de faire son choix pour un joueur, de demander à le voir en couple. Car il pouvait déterminer la personnalité et le comportement du joueur en général à travers la femme avec qui il vivait. Pour d’autres joueurs, comme Bocandé, je l’avais repéré car j’étais l’un des rares à capter la télévision belge et j’avais vu ce superbe attaquant lors de matchs retransmis. Je n’ai pas hésité longtemps. Après, on était contacté par des clubs qui nous proposaient des joueurs… C’était plus simple qu’aujourd’hui.

Le FC Metz, ce sont aussi les joueurs emblématiques qui ont fait toute leur carrière – ou presque – en Moselle (Kastendeuch, Hinschberger, Ettorre, Gaillot…). En quoi le FC Metz se distinguait-il des autres clubs au point de pouvoir retenir sans trop de mal ces joueurs ?

C. M. : Le climat du club, l’ambiance et la façon dont les joueurs étaient traités. Ce sont des garçons qui gagnaient correctement leur vie et ont toujours donné priorité à la vie de club plutôt qu’à l’argent. Ce n’était pas une obligation pour eux de partir de Metz. Pour la plupart, ils étaient issus de la région et cela leur tenait à cœur de rester auprès des leurs et de porter ce maillot. C’était plutôt un déchirement pour eux de devoir quitter le club. Philippe Hischberger aurait pu quitter le club pour Nantes ou Sochaux mais il a décidé de ne pas donner suite… Sylvain Kastendeuch est parti à Saint-Étienne car c’était un club important à l’époque… Mais certains ont fait le choix de rester, pour le plus grand bonheur du FC Metz. Ce sont ces joueurs qui ont façonné le FC Metz.

Certains joueurs font partie de l’histoire du FC Metz sans avoir porté le maillot messin plus de deux ans : Pjanic, Asanovic, Calderaro, Ribéry ou Mondragon. Avez-vous refusé des offres très importantes pour conserver des joueurs une année de plus ?

C. M. : Oui, cela m’est arrivé. Celle dont je me souviens plus particulièrement est une offre que j’ai refusée pour Carmelo Micciche en 1986. La raison pour laquelle nous avons refusé une offre importante pour Carmelo, c’est uniquement dû au fait que nous venions de vendre Jules Bocandé au Paris Saint-Germain et qu’il était inconcevable de perdre nos deux attaquants le même été. Nous avons donc empêché Carmelo Micciche de quitter le club malgré ses velléités de départ. Il avait été très contrarié de son départ manqué et on n’a jamais retrouvé le Micciche que l’on devait avoir…

La formation est à l’honneur puisqu’une grande partie des joueurs importants du FC Metz sont issus de l’école messine. Cela a très vite été l’un de vos chevaux de bataille, c’était simple à mettre en place à l’époque ?

C.M. : Le FC Metz a été l’un des premiers clubs professionnels de Division 1 a développé un centre de formation. J’avais acheté le Chalet de Vaux dans les années 80 pour pouvoir y installer le centre avec à sa tête Joseph Birtel, qui a eu sous ses ordres, les Ettorre, Hinschberger, Gaillot et compagnie. Cela nous permettait d’héberger des joueurs que l’on faisait venir et ils étaient très heureux de vivre ensemble et de pouvoir se concentrer sur le football. Si vous en parlez aux anciens, ils vous diront que ce fut un passage important de leur vie. Nous avons fait partie des précurseurs avec Nancy notamment, dans la politique lancée par Georges Boulogne, qui fut le pionnier dans le développement de la formation dans les clubs.

Parmi les joueurs de l’histoire du club se trouvent des joueurs qui sont, ensuite, devenus entraîneur du club (Husson, Cartier, G. Zvunka, Fuchs…). L’ancrage club est important pour réussir au FC Metz selon vous ?

C. M. : Je disais dernièrement à Bernard Serin que les grandes lignes de notre palmarès avaient comme point commun le fait d’avoir un ancien joueur à la tête du club, hormis Francis De Taddeo (champion de France de Ligue 2) qui n’a pas été joueur professionnel au club mais qui a grandement participé au développement du centre de formation. Ce fut le cas pour Albert Cartier, pour Joël Muller… Mais c’est aussi important pour un club comme le nôtre de pouvoir inculquer aux joueurs ce qu’est le FC Metz. Et qui mieux qu’un ancien joueur qui a marqué le club pour le faire ?

Les anciens du club ont toujours eu un rôle plus ou moins important au club. C’est aussi important de ne pas oublier ceux qui ont forgé le FC Metz ? Quels liens avez-vous avec ceux qui ont porté ce maillot ?

C. M. : Dans ce domaine, Bernard Serin est dans la même ligne directrice que moi. Plus on aura d’anciens joueurs dans le périmètre proche du FC Metz, mieux ce sera. On ne peut malheureusement pas les prendre tous mais on en a déjà pas mal et d’autres sont passés par le club à une autre époque. On a toujours souhaité que Sylvain Kastendeuch rejoigne le club mais il a pris d’autres orientations, qui lui ont bien réussi d’ailleurs, Joël Muller a fait quasiment toute sa carrière chez nous… Les anciens joueurs sont toujours estimés au FC Metz.

Outre les qualités du joueur, quels sont les hommes qui vous ont marqué durant votre carrière de président ?

C. M. : Beaucoup de joueurs m’ont marqué évidemment. Certains qui ont fait la plus grande partie de leur carrière à Metz, comme Sylvain Kastendeuch ou Georges Zvunka, d’autres plus éphémères mais néanmoins attachants comme Faryd Mondragon ou Patricio D’Amico, qui m’a d’ailleurs envoyé un SMS très sympathique avant Metz-PSG. Philippe Hinschberger a beaucoup compté aussi, d’ailleurs, j’ai parfois pensé à lui pour prendre la tête du club mais ça n’a jamais pu se faire. Je pense qu’un jour ou l’autre, il sera entraîneur du FC Metz, c’est écrit dans le ciel (sourire).

L’équipe des années 70 avec Braun et Curioni, la génération Barcelone 1984, celle vice-championne de France 1998… laquelle a, selon vous, le plus marqué son époque ?

C. M. : La génération 1984 a marqué le club car le FC Metz sortait d’une crise énorme et que parmi cette génération, de nombreux joueurs sortaient du centre de formation, et puis c’était la première véritable ligne au palmarès du club (coupe de France 1984, NDLR). La victoire de 1984, c’était un joli coup de pouce du destin car un an avant, nous étions pratiquement en dépôt de bilan, et grâce à la solidarité, notamment de Jean-Marie Rausch, le maire de Metz à cette époque, m’a réinstallé à la présidence du FC Metz pour tenter de le sortir de cette mauvaise posture. Et dix mois après, se retrouver au Parc des Princes en finale de la Coupe de France, c’était un beau clin d’œil du destin. Et puis derrière, bien sûr, la victoire contre Barcelone en octobre… Une génération exceptionnelle.

Votre plus grande fierté en tant que président ?

C. M. : D’avoir fait que le FC Metz s’installe parmi l’élite du football français, qu’il y ait une résonance internationale remarquable autour du club, d’avoir contribué au développement de l’image de la ville de Metz et d’avoir permis à des milliers de Lorrains et de Mosellans en particulier de vivre des moments de joie et de plaisir.

 

Photos : DR - Article publié le 4 août 2015

© Moselle Sport 2024 | Conditions générales de vente | Politique de confidentialité