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Les dilemmes de l’homme en noir

Le 12 septembre dernier, le centre du formation du FC Metz a ouvert ses portes à un débat consacré à l’arbitrage. Avec comme invités d’honneur : Robert Wurtz, arbitre emblématique des années quatre-vingt, Bruno Derrien, ancien arbitre international français et Jean-Marc Rodolphe, premier joueur qui a connu une 2e carrière en noir. Le tout orchestré par le journaliste Denis Balbir. Morceaux choisis.

Comment faire pour avoir la confiance des entraîneurs et des joueurs ? Comment faire pour recruter de nouveaux arbitres ? La vidéo est-elle indispensable ? Quelles sont les perspectives d’évolution de la fonction d’arbitre ? Autant de questions auxquelles les invités du jour – Robert Wurtz, Bruno Derrien et Jean-Marc Rodolphe – ont essayé de répondre. Organisée conjointement par la Ligue lorraine de football représentée par Lionel Schneider et le FC Metz, la conférence-débat avait pour vocation de dresser un état des lieux de la profession d’arbitre sur le territoire national. Bruno Derrien, aujourd’hui responsable de la communication au sein du Groupe La Poste et consultant pour RTL et sports.fr, est entré directement dans le vif du sujet. « Je n’ai aucune fonction dans l’arbitrage aujourd’hui. Je n’ai donc pas de devoir de réserve. Les arbitres sont aseptisés, ils ne sont plus au service du jeu mais au service de leur carrière. » Un constat amer mais qui confirme la dérive observée dans le football et qui s’est accélérée ces dernières années. « Car aujourd’hui, il y a trop d’enjeux, qu’ils soient financiers ou sportifs. » Les temps ont donc changé. De l’aveu même de Robert Wurtz. « Il est évident que ma façon d’arbitrer ne pourrait s’envisager sur les terrains actuels. Les contrôleurs auraient tôt fait de me descendre. » Ainsi, à en croire les deux spécialistes, moins d’âme et moins de spectacle caractérisent donc les matches professionnels.  « Il y a trop d’enjeux, qu’ils soient financiers et sportifs. La défaite n’est plus acceptée par personne, il faut toujours trouver un bouc-émissaire. Et malheureusement, c’est toujours l’arbitre », renchérit Bruno Derrien.

De joueur à arbitre

Sans céder à la facilité qui tendrait à dire – « c’était mieux avant » – l’arbitre n’a plus la possibilité « d’exprimer son libre arbitre, de rester lui-même », toujours selon Bruno Derrien. L’ancien arbitre international regrette aussi que joueurs et hommes en noir ne se rencontrent plus. « Avant, on se rencontrait dans les trains, on partageait un pot et on allait dans les clubs pour distiller la bonne parole, faire de la pédagogie. Ce n’est plus le cas désormais. » « Le rapport de l’arbitre avec les autres familles du football a été et est encore compliqué », indique Jean-Marc Rodolphe, ancien joueur professionnel qui a ouvert la voie de la reconversion vers l’arbitrage. « J’ai eu la possibilité d’évoluer dans les deux mondes et de peser le pour et le contre. Autant les joueurs m’ont accepté après ma reconversion, autant je n’ai pas été introduit immédiatement dans le cercle très fermé des arbitres. » La solution résiderait peut-être de recruter de nouveaux arbitres au sein des anciens joueurs. En effet, « le fait d’avoir bouffé la soupe devant un ailier qui te met dans le vent, peut-être un bon test pour prendre les bonnes décisions », souligne avec le sourire, Robert Wurtz. « J’en ai fait le constat puisqu’à l’instar de Jean-Marc Rodolphe, j’ai évolué des deux côtés. » Pour le journaliste Denis Balbir qui officie pour la chaîne Sports 365, « les arbitres doivent aussi davantage faire preuve de dialogue et de psychologie. » C’est pour cette raison qu’il est primordial de trouver le juste ton. « D’où l’intérêt d’avoir des cours de médiatraining. Parler devant une caméra peut s’avérer paralysant pour certains. Il faut être pédagogique, savoir bien expliquer les choses et ça aussi, ça s’apprend. Actuellement, les arbitres suivent des cours de médiatraining pour bien s’exprimer devant une caméra et faire comprendre les décisions qu’ils ont décidé d’appliquer », remarque Bruno Derrien.

Vidéo : utile ou pas ?

Si la psychologie et la communication tiennent donc un rôle important dans l’avenir de la profession, cela ne doit pas empêcher les autres composantes de la famille du football et notamment les joueurs de se montrer exemplaires et de respecter ses décisions. Et dans ce cadre, pour les intervenants, la vidéo ne peut aider qu’à certaines conditions. « Si en tant que téléspectateur, je suis content de revoir l’action, je ne suis favorable à la vidéo que sur les cas géométriques car l’œil humain peut être défaillant dans ces cas-là », précise Robert Wurtz. Avis partagé par Jean-Marc Rodolphe et Bruno Derrien qui voit d’un bon œil l’utilisation de la vidéo avec un cahier des charges précis. « Elle peut être utile en cas d’action litigieuse sur la ligne de but, sur une faute avant un but ou à un endroit où on a un doute sur la faute. Mais je ne suis pas persuadé que les présidents de clubs soient prêts à mettre 4 millions d’euros pour installer des caméras dans les stades qui seront peut être utilisées trois à quatre fois dans l’année. » Au-delà de la vidéo qui apporte plus de désagréments que d’avantages – « il est d’ailleurs très dommageable que la notation et le contrôle des arbitres se fassent à l’aide de la vidéo », selon Jean-Marc Rodolphe – il y a des sujets plus importants pour l’avenir de la profession. « La féminisation dans l’arbitrage notamment. Une piste de développement intéressante », indique Bruno Derrien. Mais ça, c’est encore une autre histoire…

Photos : Moselle Sport - Article publié le 30 septembre 2014

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