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« Il y a du mieux pour le XV de France, mais cela reste fragile »

Très attentif au comportement du XV de France durant le Tournoi des Six Nations, Rodolphe Pires, chef de la rubrique rugby sur beIN SPORTS, diffuseur notamment de la Champion’s Cup, nous livre son analyse sur le renouveau français avant la tournée en Nouvelle-Zélande en juin prochain. Présentateur de l’émission Rugby Packtous les dimanches à 11 heures, l’Albigeois (45 ans) n’a pas été totalement convaincu par la prestation générale des hommes de Jacques Brunel. Entretien.

 

Que faut-il retenir de la quatrième place du XV de France au Tournoi des Six Nations ?

« Cette compétition était le Tournoi des « si » pour l’équipe de France. Si la France avait tenu quelques minutes de plus, si la France avait mieux négocié son match face à l’Irlande… c’est un tournoi qui laisse forcément des regrets au vu de certains matchs, mais pas forcément ceux qu’on aurait pu penser. On ne vendait pas cher la peau du XV après sa tournée d’automne ratée et notamment après ce match nul contre le Japon à Nanterre. Au final, cette quatrième place est encourageante, on a l’impression que les Français ont retrouvé une forme d’état d’esprit et le plaisir de jouer ensemble. Le jeu reste néanmoins fragile. »

 

Comment peut-on décrire la patte du nouveau sélectionneur Jacques Brunel ?

« Dans des postes clés, notamment celui de la charnière, le sélectionneur a été obligé d’aller puiser chez des anciens joueurs du XV, comme François Trinh-Duc ou Lionel Beauxis, c’est dire si le vivier hexagonal n’est pas très important. Il a fait appel à des jeunes comme Matthieu Jalibert (Union Bordeaux-Bègles) ou Antoine Dupont (Stade Toulousain), qui se sont malheureusement blessés durant le Tournoi. Mais je ne dirais pas qu’il s’agit d’un renouvellement du groupe bleu. Sa méthode est connue : donner une grande responsabilité à ses joueurs. Un contrat de confiance vite trahi après la sortie controversée après le match en Écosse*. Bilan : une paire de joueurs a été sortie du groupe. Il y a la résurgence de certains joueurs comme Mathieu Bastareaud (Toulon) qui est intéressante. Et puis, la nouveauté pour le XV de France, insufflée par le président de la fédé, Bernard Laporte, c’est redonner la priorité à ce Tournoi, plutôt que de penser uniquement au Mondial 2019. Et ça, c’est incontournable pour progresser selon moi. »

 

La tournée en Nouvelle-Zélande en juin prochain (9, 16 et 23 juin) sera-t-elle révélatrice du niveau des Bleus ?

« Non. Et ce pour deux raisons. La première, c’est que les nations du sud, la Nouvelle-Zélande en l’occurrence, ne sont pas compétitives à cette époque de l’année, en pleine préparation, et donc pas à leur meilleur niveau pour se jauger. La seconde, c’est que le XV de France sera amputé des joueurs participant aux play-offs du Top 14, et donc privé de certains de leurs meilleurs joueurs. Cependant, le hasard du classement permettra à certains joueurs habituels de participer puisque le Stade Français et Clermont, par exemple, ne joueront pas les play-offs. Mais ces tournées de novembre ou de juin ne permettent pas de jauger le niveau des équipes. Seule la Coupe du Monde, finalement, le permet. »

 

Quel est le joueur qui a marqué des points selon vous ?

« Paul Gabrillagues, le deuxième ligne du Stade Français. Il joue dans un club en grandes difficultés cette saison (le Stade Français joue le maintien, NDLR), c’est peu de le dire, et il arrive à sortir son épingle du jeu. Il est puissant, technique et fait un travail remarquable avec son club. Il s’est montré à son avantage avec le maillot bleu. »

 

Et à l’inverse, qui a perdu du terrain aux yeux du sélectionneur selon vous ?

« Ceux qui ont été bannis après la sortie écossaise déjà. Ils ont perdu du crédit aux yeux de Jacques Brunel et auront fort à faire pour retrouver la totale confiance du sélectionneur. Teddy Thomas a perdu du terrain, indéniablement, comme les autres d’ailleurs, Belleau, Danty, Lamerat, Picamoles et Lambey. La sanction n’a pas été trop longue (un seul match, NDLR)et cela ne les a pas enterrés totalement. »

 

Un dernier mot sur le niveau actuel du Top 14 ?

« On a beau avoir le plaisir d’avoir deux clubs français en demi-finale de coupe d’Europe (Pau est demi-finaliste de la Challenge Cup après avoir éliminé le Stade Français, NDLR),il ne faut pas se tromper. Le Top 14 est-il le meilleur championnat de rugby du monde comme il est souvent nommé ? Non. Si on parle de degré de rémunération, je dirais que oui. Mais si on parle de vrais éléments, comme le spectacle, je dis non. Si on parle d’équipes qui jouent pour gagner plutôt que par peur de perdre ? Je dis encore non. Nous avons des choses à changer pour le faire devenir le meilleur du monde. Par exemple, quand on sait que des écoles de rugby ferment un peu partout en France, et que des clubs français ouvrent des académies dans les pays du Pacifique, est-ce que cela tourne bien rond ? Quand on compare le Top 14 au Guinness Top 14** que nous diffusons sur beIN SPORTS, on a encore du retard à combler en termes de spectacle. »

* Six joueurs français avaient passé la fin de soirée dans les rues du centre-ville d’Edimbourg après leur défaite en Ecosse (32-26). Ils avaient été également entendus par la police écossaise comme simples témoins potentiels à la suite d’informations sur une agression sexuelle dans le centre d’Edimbourg. Ils ont été exclus par le staff des Bleus.
** Le Guinness Top 14 réunit des sélections de provinces galloises, irlandaises, italiennes, écossaises et sud-africaines.

Photos : DR - Article publié le 24 mai 2018

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