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Weizman : « Passer la main ? J’y pense de plus en plus »

Président emblématique de Metz Handball, club qui fête ce mois-ci ses 50 ans, Thierry Weizman est l’un des grands artisans de la réussite des Dragonnes depuis bientôt dix ans, lorsqu’il a repris le club en grande difficulté financière en 2005. Tout proche d’un sacre européen en 2013, Metz Handball tentera d’obtenir son vingtième titre de champion de France en mai prochain. Entretien.

Le fait de connaître plus de difficultés qu’avant en championnat s’explique selon vous par le niveau de la LFH qui augmente chaque année, la fatigue liée à une Ligue des Champions plus intense ou tout simplement par une équipe moins performante ?

Ce n’est pas dû à la fatigue car on avait déjà perdu à Dijon alors que l’on ne jouait pas encore la Coupe d’Europe et les joueuses, quand elles signent à Metz, savent à quoi s’attendre donc on peut d’ores et déjà écarter la fatigue physique de ce constat. Je pense que c’est par la qualité des équipes et du championnat que nous ressentons plus de difficultés en championnat et même si cela peut paraître banal de dire ça, il n’y a pas de petites équipes. La LFH est l’un des meilleurs championnats du monde avec de grandes stars internationales, il y a plus de concurrence qu’avant pour recruter, nous n’avons plus le gros budget de France, et l’argent c’est le nerf de la guerre. On ne peut plus payer des joueuses au même prix que certains autres clubs. C’est une réalité à prendre en considération.

Quel premier bilan tirez-vous des premiers pas de Jérémy Roussel à la tête de votre club ?

Excellent. Par ses performances, notamment la qualification en Ligue des Champions et la victoire à Baia Mare et du match contre Larvik à Metz. Il a apporté beaucoup de nouveautés sur la défense, sur la façon de jouer et sur certains matchs, on ne fait pas étalage de toutes nos armes.

Pourquoi votre choix s’est porté sur lui après Sandor Rac ?

Car je voulais un entraîneur issu du monde des garçons car le handball masculin est extraordinaire, on le voit à travers le championnat et l’équipe de France, c’est plus technique et plus rapide. Jérémy avait plusieurs cordes à son arc outre le fait qu’il soit issu du hand masculin, il avait coaché les frères Karabatic et je voulais un entraîneur qui avait coaché des stars internationales et enfin, il est jeune, autoritaire, cherche beaucoup à se former et est très curieux. Je n’ai pas eu de difficultés à le convaincre de venir dans le championnat féminin et il m’a dit qu’une proposition d’un club comme Metz, qui jouait la Ligue des Champions, ne se refusait pas.

Championnat, Coupe de la Ligue, Coupe de France, Ligue des Champions. Est-ce dur d’être sur tous les fronts sur une saison ?

Comme on dit dans le football – et il n’y a pas que des mauvaises choses dans le football – on a joué les matchs les uns après les autres et on n’a fait aucune impasse, notamment en Coupe de la Ligue, comme on a pu le faire par le passé mais avec la nouvelle version de la compétition – qui se joue sur une semaine, sans autre compétition en même temps – nous n’avions aucune raison de ne pas la jouer. Inconsciemment, on est plus motivés quand on joue la Coupe d’Europe que le championnat, sachant qu’il faut être dans les six premiers à la fin, pour jouer les play-offs. Il n’y a pas eu de consigne mais j’ai bien peur qu’elles aient été plus concentrées lors de la Champion’s League.

Pour la première année depuis longtemps, aucune recrue – hormis la jeune Hawa N’Diaye vouée à rejoindre le centre de formation – n’a rejoint Metz Handball. Une volonté avant tout financière ou aussi pour laisser libre champ aux jeunes pousses (Kpodar, Horacek et Flippes) d’exploser ?

Il y a eu un énorme recrutement cet été… nous avons réussi à conserver toutes nos joueuses (sourire). Et vous savez que pour garder Paule Baudouin, Nina Kanto, Yvette Broch, Grace Zaadi, Ana Gros ou Ailly Luciano par exemple, il faut faire de gros efforts par rapport aux autres clubs, surtout financièrement. Elles sont très convoitées et cela a été un exploit de conserver toutes les joueuses. De plus, on a les meilleures jeunes joueuses françaises et il est hors de question qu’elles quittent le club et se retrouvent en face de nous dans quelques années. Donc, pour les faire rester, il faut les faire jouer. Il faut donc leur faire une place pour les laisser s’épanouir chez nous. C’est un choix délibéré.

Malgré un effectif pas si important que ça en nombre, vous avez accepté de libérer Chloé Bulleux pour qu’elle soit joker médical à l’Union Mios Biganos-Bègles. Quelles ont été les raisons de ce choix ?

Trois joueuses étaient sur le même poste, Ailly Luciano, Laura Flippes et Chloé Bulleux, et une demande de Mios-Biganos qui n’avait pas du tout d’ailière. On a donc laissé le choix à Chloé de choisir entre rester chez nous et jouer avec la concurrence ou aller à Mios et être la seule à ce poste. On lui a proposé de prendre le temps de la réflexion. On a pris le parti de ne pas lui cacher cette proposition et elle a décidé d’avoir plus de temps de jeu à Mios. Et cela s’est déroulé dans de très bonnes conditions.

Vukcevic et Basic ont rejoint le club cet hiver. Expliquez-vous les raisons de ce recrutement ?

Pour Sonja Basic, il nous fallait une « patronne » au poste de demi-centre en raison des blessures conjuguées de Tamara Horacek (ligaments croisés, NDLR) et de Grace Zaadi (poignet, NDLR). Si Horacek n’avait pas été blessée, nous n’aurions pas recruté de joueuses à ce poste. Il nous fallait une demi-centre capable d’apprendre nos combinaisons rapidement, expérimentée, très bon défenseur et qui parle français (elle a habité à Aix-en-Provence étant jeune avec ses parents). Elle nous semblait avoir le maximum de qualité. Pour Olivera Vukcevic (19 ans), c’est la 3e ailière de l’équipe nationale du Monténégro, et un jeune prodige à l’aile qui nous a été proposés. Elle a accepté tout un tas de conditions pour venir chez nous, c’est donc un rapport qualité-prix très intéressant. Elle est très en avance sur les joueuses du centre de formation du même âge.

On vous sait très intéressé par les qualités des joueuses sud-coréennes, vous avez même tenté votre chance il y a quelques années pour en signer une à Metz. Est-ce encore une envie de votre part de rapatrier une joueuse asiatique à Metz et s’ouvrir à nouveau marché ?

C’est totalement abandonné car beaucoup trop compliqué. Il y a beaucoup d’étapes à passer : la fédération, le club, l’entraîneur, les parents, l’agent… il y a de très nombreux intermédiaires qu’il faut rémunérer et c’est un dossier beaucoup trop onéreux. Et même si la joueuse est exceptionnelle, le risque de prendre une joueuse asiatique avec les risques qu’elle ne s’adapte pas ici est trop grand. Même chose pour la filière sud-américaine. Je m’orienterais plutôt vers un nouveau marché plus proche, le Luxembourg et la Belgique, mais plutôt pour faire venir du public et des partenaires. On y travaille.

L’équipe de France a terminé 5e des derniers championnats d’Europe. Quel bilan personnel tirez-vous de la performance globale des Bleues ?

J’ai pensé que c’est du gâchis, surtout après avoir vu leur performance contre le Monténégro en phase de poules. Mais quand on regarde les joueuses de l’effectif, avec une Leynaud de retour de blessure, une Pineau qui n’a pas encore retrouvé son niveau, on a quelques joueuses de niveau mondial seulement, à savoir Kanto, Baudouin, Dembélé et seulement trois arrières alors qu’il en faudrait cinq ou six, c’est compliqué. Heureusement que Laura Glauser a fait ce qu’elle avait à faire, et avec toutes ces considérations, ce n’est pas si mal.

Grace Zaadi a peu joué malgré sa décision de se faire opérer du poignet après la compétition et n’a pas vraiment compris sa situation. Quelle est votre opinion sur ce sujet ?

Je pense que le sélectionneur a pensé soit qu’elle avait des craintes de se faire mal quant à son état de santé, soit il a pensé qu’elle avait la tête perturbée par sa blessure mais je ne pense que cela soit pour la préserver. Il a jugé qu’elle n’était pas opérationnelle et c’est son jugement. Pour nous, elle a fait, avec son entorse grave du poignet, un match exceptionnel contre Baia Mare en Ligue des Champions. Après, pour la stratégie de se faire opérer après l’Euro plutôt qu’avant, je lui ai exposé les différentes options et j’ai validé ses choix.

Plus personnellement, avez-vous fixé une limite à votre présidence ? Seriez-vous prêt à passer la main ?

Oui, j’avais décidé de passer la main si nous avions gagné la Coupe d’Europe il y a un an et demi. Cela fait dix ans que je suis président et je supporte de moins en moins l’aspect sportif, c’est-à-dire le fait d’être au match ou pire, quand je suis le résultat à distance. C’est sûrement l’âge qui veut ça (sourire). Chaque année, c’est plus compliqué chaque année et j’ai l’impression de trop tirer sur la machine et j’ai la trouille. Il n’y a pas de bons moments pour partir… car quand j’ai dit que je partirais en cas de victoire en Coupe d’Europe, on m’a dit que ce n’était pas correct… donc je ne sais pas quel sera le bon moment pour quitter Metz Handball (rires).

Est-ce qu’un titre européen outrepasse tous vos rêves de conquête de titres hexagonaux ? Préférez-vous remporter la Ligue des Champions ou remporter les 3 prochains championnats de France ?

Remporter une Ligue des Champions, c’est historique. C’est un choix réfléchi car financièrement c’est le jackpot. À partir des quarts de finale, cela devient très intéressant financièrement parlant, outre l’aspect sportif évidemment.

Photos : Moselle Sport, - Article publié le 15 avril 2015

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