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Mayo/Hinsch : Metz Connection

Tous les deux sont passionnés par la discipline de l’autre. Tous les deux fréquentent régulièrement les travées des stades de l’autre. Philippe Hinschberger et Emmanuel Mayonnade sont les entraîneurs des deux plus grandes institutions sportives de la ville de Metz. Leur métier, la gestion d’un groupe, les objectifs personnels… les deux coachs ont pu échanger une heure durant. Morceaux choisis.

Football / Handball : passions communes

Philippe Hinschberger : Je suis venu deux fois voir Metz Handball cette saison…

Emmanuel Mayonnade : je t’ai vu deux fois au salon VIP aussi (rires).

P. H. : Je suis copain avec le président (Thierry Weizman, NDLR), on a joué au tennis quand on était plus jeune. Quand je suis revenu à Metz, on s’est revu, il m’a proposé de venir les voir. J’ai été voir deux branlées (sic) que vous avez mises contre Toulon et Nice… c’était comme nous quand on a pris une volée contre Monaco. C’était moche pour les adversaires (sourire).

E. M. : Oui exact. Tu m’avais même dit « merci » pour Nice car je vous avais vengé de votre défaite contre l’OGCN en championnat quelque temps avant.

P. H. : J’aime tous les sports mais Metz Handball chez les filles, c’est une vraie institution. Pour Metz, c’est top.

E. M. : De mon côté, je suis souvent allé voir le FC Metz car j’adore le foot. Ça me semblait difficile d’aller voir Nancy plutôt que Metz (rires) mais ça s’est fait très facilement et j’y ai pris beaucoup de plaisir. On reste très humble à Metz Handball, qui reste un club petit par rapport à l’impact du FC Metz dans la ville. Je le vois dans les quotidiens comme le Républicain Lorrain où la place du FC Metz est bien plus importante que toute autre discipline.

P. H. : C’est très paradoxal pour moi. Metz Handball, c’est 20 titres de champion de France. Il faut appeler un chat, un chat, nous sommes une petite équipe de Ligue 1 alors que Metz Handball est un cador du hand féminin.

E. M. : Je suis allé voir Metz-Bordeaux (0-3) par choix (Emmanuel Mayonnade est originaire de l’Aquitaine, NDLR), mais aussi Metz-Nice (2-4) et Metz-Monaco (0-7)…

P. H. : On a trouvé le vrai corbeau (rires). Le chat noir.

E. M. : non (rires), je suis allé voir Metz-Tours l’an dernier en toute fin de championnat avec une belle victoire au bout (2-1).

Mayonnade au FC Metz, Hinschberger à Metz Handball ?

E. M. : Je ne suis même pas sûr d’avoir la compétence pour entraîner une équipe de handball, alors de foot. Imagine le résultat (rires). Je suis un accro du foot mais je ne me sentirai pas capable de coacher une équipe de football.

P. H. : Moi coacher des filles ? Oui, ce serait possible mais au foot hein (sourire). Et ce serait qui quelque chose d’assez intéressant d’ailleurs pour l’avenir… ça doit être vraiment différent mais cela ne doit vraiment pas être évident. Les mecs, ce n’est déjà pas facile, je suppose que cela doit être pareil avec les filles. Gérer les caractères, ça doit être fatigant aussi.

E. M. : Pour coacher des filles, il faut être relativement patient et assez diplomate. Fin pédagogue également. Il ne faut pas être maladroit mais c’est souvent la même chose avec les garçons, il ne faut pas faire de généralités sur les filles.

P. H. : Avec les garçons, il te faut de l’autorité. Mais cela dépend comment tu l’utilises et quel type de joueur tu as en face de toi. Il y a des joueurs à fleur de peau, sensibles ou des durs. Ça dépend. Les filles, je les vois beaucoup plus susceptibles. Avec les mecs, on peut plus leur rentrer dedans je pense. Pour moi, le plus important, c’est de souffler le chaud et le froid. On a le risque de perdre la cohésion de son groupe si on est dans l’excès ou dans la réaction à chaud.

E. M. : Aujourd’hui, je ne fais plus de causerie à chaud. Mes débriefings, juste après le match, sont travaillés et non pas improvisés. Je le fais vite après le match. Bouger quelqu’un à juste titre, je le fais mais je ne pense pas avoir été trop loin une seule fois dans ma carrière.

P. H. : L’après-match, je n’aime pas parler. Il y a du monde dans le vestiaire, le président… les mecs sont vite à la douche pour certains. À de rares exceptions près, je ne parle plus juste après la fin du match. Ça m’est déjà arrivé d’aller loin, notamment avec Gaëtan Bussmann une fois, et je me suis excusé après coup car j’avais été trop loin. Donc, aujourd’hui, je prends du recul pour mes analyses avec les joueurs.

Je pense que c’est plus facile de venir entraîner au foot parce qu’un coach de sport collectif, il maîtrise le foot. Ce n’est pas très compliqué. Au handball, il y a trois filles qui rentrent et trois qui sortent toutes les minutes, il y a des combinaisons précises… si je devais les coacher, je ne saurais pas quoi leur faire faire. Les décalages permanents, ce sont ce qui me passionne le plus au handball. J’apprends énormément du hand pour le retranscrire au foot avec les stratégies mises en place.

E. M. : Il n’y a pas grand-chose de transférable du football au handball. Sans paraître présomptueux, j’arrive plus facilement à identifier des situations de hand à transposer au football. Je revois Rolland Courbis mettre des droitiers à gauche et des gauchers à droite et c’était sûrement inspiré du handball.

P. H. : Au hand, on peut rectifier et organiser les choses avec la prise des temps morts pour une dernière action par exemple. Nous, au foot, sur un dernier coup-franc, il faut gagner le duel et voir ce qui se passe. On ne peut rien faire d’autre.

E. M. : C’est dur ça, je trouve, au foot, de ne pas disposer d’un moment pour faire le point avec ses joueurs plusieurs fois durant une période de 45 minutes.

P. H. : Ce serait tellement bien de pouvoir disposer de plusieurs temps morts dans le foot… Mais ce serait impossible à organiser, une minute, ce serait trop court de rassembler 11 mecs sur un terrain de cette taille. Ce serait pris pour de la déviance des règles du foot. On doit se contenter de donner des consignes à un joueur, qui le donne à un autre et parfois, c’est même compris à l’envers (sourire).

Coach : même métier, contraintes différentes ?

E. M. : Les contraintes les plus difficiles à gérer, ce sont les intermédiaires qui peuvent balancer des informations ou des contre-informations qui ne sont pas souvent bonnes. À propos des compositions d’équipe, des rumeurs de départs, d’arrivées… Je suis incapable de critiquer un confrère car personne ne voit ce qui se passe dans la semaine. Il y a tellement de paramètres pour faire une composition d’équipe et on entend « pourquoi elle ne joue pas ? », « elle devrait jouer à la place d’untel »… Et dans un autre domaine, au sein même du groupe, une joueuse vient me dire « c’est vrai que… » et je leur dis que c’est totalement faux et je me demande d’où ça peut venir… Le manque de transparence me gêne un tout petit peu. Je fais des entretiens avec les joueuses deux fois dans l’année dont un en décembre et des fois je me rends compte qu’elle me parle, en décembre, d’un problème qui date de juillet ! Et qui a potentiellement pu la gêner tout ce temps ! En parler vite aurait permis d’évacuer cela plus rapidement.

P. H. : Au foot, il y a beaucoup d’éléments perturbateurs autour de notre sport. Comme le dit Manu, chacun pense connaître tout sur tout et a un avis différent. Il y a 15 000 entraîneurs potentiels chaque match à Saint-Symphorien. Ça fait deux mois qu’on me dit « pourquoi on ne joue pas en 4-4-2 avec Erdinç et Diabaté ? » et personne ne s’est demandé si les deux joueurs étaient complémentaires ou si Erdinç était en forme. Des questionnements de gens qui ont zéro information. C’est difficile et impossible à contrôler et ce sont des paramètres qui polluent l’environnement d’un groupe. Il faut sans cesse se justifier et c’est la raison pour laquelle je ne m’occupe que du sportif. Et puis, au foot, en plus, on a les agents de joueurs qui viennent foutre le bordel (sic). C’est LE gros problème. L’environnement du joueur, soit leur agent soit leur avocat… C’est hyper détestable.

L’étranger, une envie commune

E. M. : Je ne suis pas très carriériste et j’ai du mal à me projeter mais ça me titille de plus en plus. J’aurais envie d’aller voir un jour ce qui se passe à l’étranger. J’ai déjà refusé une fois Metz il y a deux ans…

P. H. : ce n’est pas l’étranger Metz (sourire). Tu as mal regardé où était la frontière (rires).

E. M. : Quand j’ai cru comprendre, en arrivant à Metz, qu’on parlait français, ça m’a surpris (rires). Plus sérieusement, je disais ça pour dire que si j’avais refusé Metz, c’est car j’étais fidèle à Mios-Biganos. Et qu’aujourd’hui je suis à Metz. Mais on ne connaît pas la suite et avoir joué la Ligue des Champions face à des gros clubs, ça pourrait me tenter plus tard effectivement. Et toi Philippe ? Enfin ailleurs qu’à Metz ? (rires).

P. H. : Il y a dix ans, je t’aurais dit non. Aujourd’hui, l’étranger, ça veut dire un championnat autre que les gros européens. Donc ça veut dire des destinations un peu plus exotiques. L’intérêt d’aller bosser au Qatar, il est nul. Avant de venir à Metz, un agent voulait m’envoyer à Dubaï. Si tu décides d’y aller, tu ne sais pas combien de temps tu vas rester. Au foot, le milieu est surbooké en nombre d’entraîneurs. Aujourd’hui, il y a 250 coachs au chômage dont 30 mecs qui ont le diplôme pour la Ligue 1. Quand un poste se libère, y a 40 CV sur le bureau du président en une journée.

E. M. : Et en France, ce sont souvent les mêmes : Courbis, Antonetti, Baup, Girard…

P. H. : Donc quand tu n’as plus de contrat, si tu veux continuer de travailler, tu dois obligatoirement te tourner vers l’étranger. Hugo Cabouret et Gilles Bourges, mes adjoints, ont beaucoup travaillé à l’étranger. J’adorerai l’Allemagne ou l’Angleterre, en Division 2. Un jour peut-être. Continuons déjà ici (sourire).

Photos : Moselle Sport - Article publié le 19 mai 2017

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