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Manon Houette, une vie avant le sport

Internationale française, vice-championne olympique et médaillée de bronze à l’Euro 2016, Manon Houette a rejoint Metz Handball cet été en compagnie de sa coéquipière chez les Bleues, Laurisa Landre. Originaire du Mans, la joueuse de 25 ans a déjà un palmarès bien fourni et une expérience qui lui permet d’avoir un regard particulier sur le sport de haut niveau et sur sa vie. Une vie personnelle à laquelle elle laisse une belle place. Entretien.

De Manon Houette, on peut dire beaucoup de choses : qu’elle a déjà gagné le championnat de France, la Coupe de France et la Coupe de la Ligue avec Fleury-lès-Aubray, qu’elle a remporté deux médailles avec l’équipe de France – l’argent aux JO de Rio en 2016 et la bronze à l’Euro 2016 – et même qu’elle a tenté l’aventure à l’étranger, avec Thüringer, en Allemagne. Oui, on pourrait dire tout ça sur ces pages, en lui demandant quand et pourquoi elle s’est mise au handball, ce qu’elle a ressenti en remportant ses premiers titres hexagonaux… Mais on manquerait alors l’essentiel. L’essentiel d’une personnalité attachante qui a décidé de ne pas mettre le sport de haut niveau comme une priorité absolue dans sa vie. La recherche de nouveaux défis, la remise en question, la place de la vie privée et un confort à bousculer… Portrait d’une femme, très loin des terrains de hand.

L’étranger, la mise en danger

« De mon aventure en Allemagne, j’ai appris beaucoup de choses sur moi, explique Manon Houette. Pour la première fois de ma vie de femme, j’étais isolée, loin de ma famille et de mes amis. Ma volonté de signer pour le club de Thüringer est née de l’envie de me mettre en difficulté pour la première fois de ma vie. Sortir de mon petit confort. J’avais envie de savoir ce que je valais en tant que femme, dans un pays inconnu, où je ne maîtrisais pas la langue. » Basée dans les villes d’Erfurt et de Bad Langensalza, complètement isolé et éloigné des grandes villes allemandes, dans le centre du pays, le club de l’AC Thüringer est l’endroit parfait pour se mettre au défi. « C’était une totale découverte pour moi. Je devais vite prendre mes marques dans un environnement inconnu. J’étais avec les joueuses étrangères du club – on était cinq au total – et c’est comme ça que j’ai perfectionné mon anglais. Pour l’allemand, je vous rassure, je n’ai pas beaucoup progressé (rires). » Alors que certaines joueuses allemandes travaillent ou font des études, les étrangères, dont Manon, doivent s’occuper. « J’avoue qu’on s’ennuyait quand on ne jouait pas, sourit-elle. Mais j’ai pu visiter un peu le secteur et c’était vraiment très joli, avec des gens très agréables. À Erfurt, il n’y a pas moins de 22 églises et une fac de théologie ! Une très belle expérience de vie. »

La vie privée, pas une place secondaire

Conjuguer vie privée et sport de haut niveau n’est pas chose aisée. Encore plus quand on est une femme et qu’on rêve d’être maman un jour. Il y a plusieurs écoles. Celle d’avoir un enfant en cours de carrière, comme Nina Kanto au hand ou Lindsay Davenport au tennis, et de tenter de revenir – avec plus ou moins de succès – au plus haut niveau. Et celle d’attendre la fin de sa carrière, comme les Messines Katya Andryushina et Svetlana Ognjenovic, pour découvrir les joies de la maternité. La philosophie de Manon Houette n’est pas encore pleinement définie, à 25 ans. « La vie privée, je lui donne une grande priorité, explique-t-elle. Pas question de la mettre de côté le temps de faire mon métier. Je suis une femme avant tout et je ne veux pas me priver d’un bonheur sentimental pour tout donner au handball. » Une vision singulière, pour un sujet souvent enclin à l’omerta dans le sport de haut niveau, notamment chez les femmes. « Je n’ai pas un plan de carrière, j’ai plein de plans de carrière (rires). Je ne veux pas être entraîneur, ni redescendre en N2 après ma carrière de haut niveau car il faut une rigueur que je n’arriverais pas à m’astreindre. La vie personnelle prendra le pas sur ma vie sportive. J’ai eu la chance de faire les Jeux olympiques, de glaner des titres, de jouer à l’étranger, tout ça alors que je n’ai que 25 ans. Je suis une chanceuse et c’est l’une des raisons qui explique que ma vie privée aura un impact sur mes choix de carrière. » La vie privée, parfois victime des choix de club de la joueuse originaire du Mans ? « J’ai la chance de partager la vie d’un homme qui fait le même métier que moi, sportif de haut niveau, mais dans le rugby. Du coup, il y a forcément plus de compréhension l’un vis-à-vis de l’autre dans les choix sportifs. C’est plus évident de convaincre un sportif de ses choix personnels qu’un dentiste (rires). Il y a une facilité de compréhension. Cela a des limites mais il est le premier à me dire « vas-y ». » Entre-temps, d’autres belles aventures attendent la nouvelle ailière gauche de Metz Handball. « Glaner toujours plus de titres avec Metz, mais aussi tenter de faire les championnats d’Europe 2018 en France, ce serait incroyable. » Et avec Paris 2024 comme rêve ? « Non, c’est trop loin pour moi, glisse-t-elle. J’aurai 32 ans mais je ne peux pas y penser. Participer aux Jeux olympiques de Tokyo en 2020 par contre, ce sera ça mon apothéose. » Apothéose : nom féminin, dernière partie la plus brillante d’une manifestation, d’une action… ou d’une carrière. Tout se tient.

Photos : DR - Article publié le 17 novembre 2017

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